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LE DRAME DU VÉSUVE.

sur la route de Pompéi, à un quart d’heure de Naples par le chemin de fer, on y percevra bientôt le même revenu, et la somme de 40 000 francs produite par les tourniquets des deux villes pourra s’élever un jour à 80 000 francs. Quand M. Fiorelli aura prélevé ce qui est nécessaire pour le musée, pour la solde des gardiens de Pompéi, pour les restaurations, pour l’entretien de l’école archéologique, pour la publication du Bulletin, il lui restera de quoi payer encore cinquante ouvriers en permanence, ce qui est plus que suffisant. En admettant même que les recettes ne s’accroissent pas, tout ce que nous demandons, c’est qu’on fasse à Herculanum les dépenses de fouilles qu’on faisait chaque année à Pompéi, sur une moins grande échelle, parce que l’expropriation absorbera une partie de ces fonds réservés, et parce que l’extraction sera plus coûteuse ; mais l’importance de ces travaux ne dépend pas de l’étendue qu’on leur donnera, elle dépend surtout de la façon dont ils seront conduits. Or M. Fiorelli a montré tout ce qu’on doit espérer de lui ; l’expérience qu’il a depuis dix ans acquise a donné à sa méthode une précision pour ainsi dire infaillible. L’opinion publique ne lui demandera pas de déblayer un îlot de maisons chaque année ; une seule maison suffira, et donnera peut-être plus de trésors que vingt maisons de Pompéi. Depuis les toits jusqu’au sol, tout sera sondé avec précaution, soutenu et restauré avant d’être dégagé de l’armure de cendre durcie ; les poutres, les linteaux, les balcons, seront copiés et aussitôt remplacés ; les étages ne seront plus démolis comme jadis ; les portes, les fenêtres, toute la menuiserie sera soigneusement moulée ; pas un trou ne sera signalé, si petit qu’il soit, sans qu’on y coule du plâtre ; les couches de cendres, horizontalement enlevées, laisseront apparaître tour à tour les orifices de ces précieuses cavités qui contiennent l’empreinte exacte des cadavres, des meubles, des étoffes, des marchandises contenues dans les boutiques, des objets les plus menus et des matières les moins durables. La tâche de M. Fiorelli est bien belle et vraiment digne d’envie. Les résultats qu’il a obtenus à Pompéi, sur un sol relativement ingrat, il les complétera avec un succès certain au milieu des maisons d’Herculanum, plus riches, mieux conservées, pleines de révélations, enveloppées par la cendre comme par un moule immense. Qu’il quitte donc Pompéi sans regrets, pour entreprendre des recherches plus délicates, mais que sa persévérance et son talent rendront assurément fécondes ! L’Europe l’applaudit à l’avance, et ses concitoyens montreront leur patriotisme en l’aidant énergiquement, car il ne peut manquer d’assurer à l’Italie la reconnaissance du monde savant et une gloire nouvelle.


Beulé.