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V. — ATTRIBUTIONS ET FINANCES. — RESUME.

La comparaison que je viens d’essayer entre les administrations diverses des principales capitales de l’Europe ne serait pas complète, si je n’ajoutais quelques détails sur les attributions des municipalités et sur leurs ressources financières ; mais ces détails peuvent être extrêmement courts.

Rien de plus uniforme en effet que les attributions des pouvoirs municipaux. La vie municipale est à la vie politique ce que les fonctions de l’intendance sont au mouvement général d’une armée ; c’est le matériel de la victoire. On peut plus modestement comparer les attributions municipales aux soins du ménage. Les hommes ont d’innombrables manières de penser, mais ils ont à peu près la même manière de manger, de marcher et de dormir. Or les pouvoirs municipaux sont précisément chargés de faire que les habitans d’une ville mangent sans craindre la disette, marchent sans être arrêtés par les encombremens et dorment en paix. Ajoutez aux services des subsistances, de la voirie et de la police le matériel nécessaire à quelques besoins d’un ordre plus élevé, les bâtimens religieux, les maisons d’école et les hôpitaux, voilà tout le catalogue des occupations municipales. Qu’on ne s’y trompe pas pourtant, la monotonie de l’administration municipale a encore de quoi intéresser l’esprit, même de quoi enflammer le dévoûment. Pleine d’éclat et de retentissement, la politique est trop souvent stérile ; plus cachée, l’administration a le bonheur de fonder pour longtemps : une école, une église, un hospice, une rue, un parc public, durent des siècles et traversent les révolutions ; mais ce lent, obscur et utile travail n’intéresse et n’attache que des esprits sérieux. Il n’est pas fait pour plaire longtemps, surtout quand il est gratuit, aux agitateurs turbulens ; il les emprisonne, dans des études techniques et dans des soins minutieux qui lassent ou amortissent promptement leur ardeur. C’est pourquoi les conseils municipaux factieux ne sont pas très à craindre. On n’a jamais vu des municipalités régulières faire des émeutes ; la commune de Paris était une municipalité insurrectionnelle. C’est à l’Hôtel de Ville que les révolutions s’installent, c’est ailleurs qu’elles se préparent et s’accomplissent ; les gouvernemens provisoires s’y transportent, ils n’en sortent pas ; on a vu au contraire bien souvent des candidats violens devenir des conseillers paisibles. On déclame, on crie encore au début, mais l’éloquence se glace bientôt sur des questions d’égouts ou de marchés pour les moutons, et il faut bien entrer dans la pratique, se plier au travail ou