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Les portraits peints par des femmes sont nombreux au Salon de cette année, et plus d’un soutiendrait la comparaison, sinon avec-les œuvres d’élite qui portent les noms de MM. Lehmann, Cabanel et Jalabert, au moins avec les toiles diversement estimables qu’ont signées MM. Parrot, Thirion, Gaillard, Cermak, Monchablon et deux ou trois autres. Parmi ces portraits sortis de pinceaux féminins, le plus amplement traité nous paraît être celui du père Hyacinthe, par Mme Henriette Browne ; le plus original et le plus fin, celui d’une Jeune femme tenant une mandoline, peinte par Mlle Cécile Ferrère dans le costume d’une contemporaine de Mme Tallien ou de Mme Récamier. D’autres œuvres de même origine, tout en indiquant une véritable habileté, n’ont pas cette simplicité ou cette franchise. Ainsi le talent de Mlle Jacquemart, quelque réel qu’il soit et quelques nouvelles preuves qu’en fournissent le portrait du maréchal Canrobert et le portrait de Mme la baronne de M…, ce talent ne se ressent-il pas de certaines prédilections trop habituelles pour les complications et les adresses de la touche ? Ailleurs, dans les portraits entre autres qu’ont peints Mmes Schneider, de Châtillon, Laperrelle-Poisson et Marie-Nicolas, on reconnaît une louable bonne foi en face de la nature, mais aussi des souvenirs un peu trop fidèles des écoles où ces artistes se sont formées. Enfin l’accent de vérité remarquable qui distingue un portrait d’homme signé du nom de Mme d’Ortès serait plus vif encore, si, au lieu d’un moyen d’effet exceptionnel, l’auteur de ce portrait avait choisi pour éclairer son modèle une lumière plus large et tombant de moins haut.

Quoi qu’il en soit, ce qui au temps de Mme Lebrun pouvait passer pour un phénomène s’est généralisé depuis quelques années au point de ne plus surprendre personne. Les femmes savent aujourd’hui exécuter un portrait ou un petit tableau à peu près aussi bien que les hommes, sauf à se contenter, comme ceux-ci le plus souvent, d’une habileté une fois acquise et de succès relativement faciles. Ainsi de ce côté encore le talent est devenu presque un lieu-commun, une sorte de monnaie courante dont chacun se sert au jour le jour, mais que bien peu de gens songent à convertir en trésor avec la volonté d’en accroître incessamment les ressources ou de n’y puiser qu’aux occasions.


II

S’il est dans notre école une région où ces témoignages d’habileté se soient multipliés depuis un quart de siècle, un ordre de travaux propres à démontrer qu’un savoir-faire à peu près suffisant est maintenant le lot de tout le monde, c’est sans doute le domaine de la peinture de genre et la série des œuvres qu’elle a