Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 88.djvu/256

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

été publié directement par le représentant du saint-siège ; mais ici le gouvernement a commencé à ouvrir les yeux et à s’apercevoir que c’était là un système de communication des plus irréguliers, défendu par les lois françaises. Le ministère a réclamé des explications, et il a fait à son tour publier une note officielle constatant l’irrégularité de ce procédé de correspondance en même temps qu’une espèce de rétractation du nonce pontifical. Ce n’est qu’un léger nuage dans le ciel que le soleil de l’infaillibilité va éclairer de ses tout-puissans rayons ; cela promet cependant pour l’avenir, et notre siècle, qui a vu tant de choses, est tout près d’assister à un spectacle du moins assez nouveau, le spectacle de gouvernemens qui, hélas ! commettent bien des fautes tous les jours, qui se trompent souvent, ayant à traiter les plus délicates affaires avec un souverain semi-terrestre, semi-divin, qui ne peut plus se tromper jamais ! Si une séparation ne s’ensuit pas bientôt, c’est qu’il n’y a plus aucune logique dans ce monde.

Voilà donc la Belgique qui vient de glisser à son tour dans une crise parlementaire et ministérielle. Les élections partielles qui ont eu lieu il y a quinze jours ont amené un déplacement complet de majorité dans la chambre élective. Le parti libéral a essuyé une défaite aussi grave qu’imprévue, les catholiques au contraire ont regagné du terrain. Après cela, le cabinet libéral, dont les principaux membres étaient M. Frère-Orban, M. Bara, n’avait plus d’autre alternative que de demander au roi une dissolution du parlement tout entier, ou de quitter dès ce moment le pouvoir. Il n’a point essayé de se débattre contre la mauvaise fortune qui venait de le frapper ; il s’est retiré immédiatement, après avoir gouverné la Belgique pendant bien des années. Cet échec du reste, on pouvait le pressentir depuis quelque temps, et il n’est point impossible que le démêlé qui a eu lieu il y a dix-huit mois entre la Belgique et la France au sujet des chemins de fer n’ait été pour le cabinet de Bruxelles une première cause d’affaiblissement. En outre, M. Frère-Orban, par ses opinions sur certaines questions, notamment sur une extension du droit électoral qu’il a repoussée assez vivement. M. Frère-Orban s’était aliéné une fraction de ses amis, partisans d’une réforme, sinon du suffrage universel. Le parti libéral s’est divisé. La fraction la plus progressiste s’est trouvée d’accord sur le terrain de la réforme électorale avec les catholiques, et c’est là ce qui explique le résultat des élections dernières, où se sont rencontrés catholiques et progressistes pour lutter ensemble contre ce qu’ils appelaient le doctrinarisme ministériel. La coalition a triomphé, le cabinet de M. Frère-Orban s’est retiré. Il s’agit maintenant de reconstituer un ministère ; mais là est la difficulté. Si les catholiques entrent seuls au pouvoir, ils verront sans doute se recomposer contre eux la grande armée libérale, un moment divisée, S’ils maintiennent au pouvoir l’alliance qu’ils ont contractée dans l’opposition avec les progressistes, dans quelles conditions se