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soustrait tellement aux regards des dominateurs du pays, que Wahabi put déployer le zèle le plus agressif et faire de nombreux prosélytes sans que les autorités anglaises en eussent connaissance. Pour être plus libre dans ses mouvemens et former une société modèle animée de son esprit, il alla s’établir au-delà de l’Indus, mais assez près cependant pour pouvoir entretenir de continuelles rétentions avec ses frères de l’Hindoustan. Les membres de cette société se donnèrent pleine carrière en faisant d’incessantes incursions sur le territoire soumis aux infidèles. Leur conduite prit une allure telllement menaçante, que le chef militaire du Pundjab crut devoir réunir un corps de troupes pour envahir ce repaire de fanatiques et le détruire. Il espérait que les tribus afghanes parmi lesquelles il devait passer pour l’atteindre, n’étant pas de la même famille, ne feraient rien pour les défendre. Il se trompait. La communauté de la foi triompha de la différence de patrie, et quand ils s’aperçurent que les troupes anglaises se dirigeaient vers leurs vallées pour aller attaquer leurs coreligionnaires, ils se coalisèrent et les attendirent au col d’Umbeyla, où ils leur firent subir des pertes sensibles et les tinrent pendant quelque temps en échec. La position était si critique que le commandant de la province opinait pour le rappel de ses troupes ; mais l’autorité suprême s’y opposa. Elle comprit qu’une retraite détruirait le prestige des armes de l’empire et affaiblirait sa puissance. Il fut donc résolu qu’une division de l’armée des provinces du nord-ouest irait appuyer les opérations du premier corps, et que la guerre serait poussée avec vigueur. Un pays aussi déchiré devait offrir de grands avantages pour la défense. La lutte fut sérieuse et longue ; commencée en 1864, elle ne se termina que vers la fin de l’année suivante. Repoussés, battus, chassés de retraite en retraite, les Afghans se retirèrent de la lutte, et demandèrent la paix, qui leur fut généreusement accordée. L’armée ne rentra dans ses cantonnemens qu’après avoir détruit le village de Moulka, centre principal des fanatiques qui avaient fomenté cette guerre sanglante.

Malgré cette sévère Leçon donnée à ces peuples que l’islamisme ne parvient pas à moraliser, et qui se jouent avec une incroyable facilité, de tous les droits internationaux, le gouvernement fut encore obligé en 1868 de faire envahir par un corps considérable une contrée située au nord-est de la précédente, appelée la Montagne-Noire. Les indigènes s’étaient permis d’attaquer sans aucune provocation quelques postes militaires anglais qui sont disséminés le long de leurs frontières. Laisser impunies des agressions de cette nature, c’est s’attirer le mépris général. Les Asiatiques n’ont aucune idée de la générosité du fort à l’égard du faible. Tout pardon est un