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nécessité ; la liberté de l’enseignement supérieur va mettre forcément entre ses mains tout l’enseignement chirurgical et médical. En effet, elle seule possède, en vertu même de sa mission, les objets d’études pratiques, c’est-à-dire les malades et les cadavres. Elle comprendra qu’à côté de l’instruction clinique faite chaque jour par le professeur devant ses élèves, il sera bon de posséder une série de points de comparaison qui permettront d’avoir sous les yeux l’ensemble de tous les phénomènes que le même mal peut présenter. Le musée pathologique de Saint-Louis, la collection léguée à l’hôpital Necker par Civiale, celle que le docteur Depaul forme en ce moment aux Cliniques, celle que M. Voillemier a réunie dans un cabinet de l’Hôtel-Dieu, ne sont que des embryons qu’il faut développer, qui pourront un jour fournir à l’enseignement médical français des ressources considérables, et qu’on ne saurait trop augmenter.

Lorsque l’assistance publique sera en possession de l’enseignement, elle fera bien, je crois, de modifier le système par lequel elle recrute ses médecins et ses chirurgiens. Aujourd’hui, quand un docteur a satisfait au concours institué pour juger les candidats aspirant au titre de médecin d’hôpital, il entre immédiatement en fonctions, et reste chef de service jusqu’à l’âge de soixante ans et même jusqu’à celui de soixante-cinq, s’il est professeur à la Faculté de médecine. Les choses sont arrangées de telle sorte que très peu de médecins peuvent profiter de cet admirable champ d’observation qu’on appelle un hôpital, et qui seul donne l’instruction positive, expérimentale, sans laquelle on peut être un savant, un pathologiste distingué, mais sans laquelle on ne saurait devenir un bon praticien. Or dans l’intérêt de la population, qu’il faut considérer avant tout, ce sont les praticiens qui sont indispensables et dont on ne saurait trop multiplier le nombre. On peut facilement, il me semble, arriver à ce résultat, d’abord en divisant les services de façon qu’ils ne soient en moyenne composés que d’une quarantaine de lits, ensuite en ne gardant les médecins que six ans dans les hôpitaux, où ils seraient à la fois chefs de service et professeurs. De cette manière, une bien plus grande quantité de médecins et d’élèves pourrait prendre part aux seules études vraiment fécondes qui en feront des hommes autorisés. Je sais que de telles mesures augmenteraient singulièrement les dépenses, et que l’assistance publique doit se montrer avare du bien des pauvres ; mais, tout en continuant à donner aux internes une rétribution qui leur est nécessaire, il faudrait exiger dès médecins un service gratuit en échange des énormes richesses scientifiques qu’on mettrait à leur disposition. Les plus intéressés même accepteraient sans hésiter ces conditions nouvelles, car ils savent tous que le titre de médecin ou de chirurgien d’hôpital est le plus sûr moyen d’attirer la clientèle.