Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/101

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

L’assistance, qui ouvre des yeux très clairvoyans sur ses pupilles, qui les suit partout où le sort les emmène, qui ne les abandonne jamais, même devant les tribunaux[1], récompense ceux dont la conduite a été irréprochable. Treize fondations d’importance différente lui ont été léguées pour fournir un petit pécule, un livret de caisse d’épargne, une dot, aux enfans dont on est satisfait ; en 1869, 178 pupilles ont été jugés dignes d’encouragement, et se sont partagé une somme de 15,936 francs 20 centimes.

Dans cette population d’enfans, sur lesquels l’ascendance pèse parfois comme un vice originel, comme une sorte de déformation mentale reçue dans les limbes de la gestation, on ne rencontre pas toujours des natures sans défaut, et parfois l’on se heurte à des caractères vicieux, naturellement coudés, qu’il est impossible de redresser par l’exemple et par l’éducation. En général on n’a pas cependant à se plaindre trop vivement, car en 1869, sur 9,000 élèves de 13 à 20 ans, 32 seulement ont eu maille à partir avec la justice, mais pour des faits qui n’offraient aucune gravité réelle. Un même nombre d’individus ont fait preuve d’un esprit d’indiscipline et de révolte tellement insurmontable qu’il a fallu les faire détenir à titre de correction paternelle ; 4 garçons et 28 filles ont dû passer par la Petite-Roquette et le séparé de Saint-Lazare, mesure très regrettable à laquelle on se trouve parfois réduit en présence de natures absolument rebelles, mais qui ne produit jamais que de mauvais résultats. Sans avoir à revenir ici sur ce que nous avons déjà dit en parlant des prisons, on peut affirmer que tout ce qui a séjourné dans ces deux maisons est destiné au banc de la cour d’assises et du registre de la prostitution. A plusieurs reprises, on a dirigé les pupilles vicieux vers des colonies agricoles qui promettaient monts et merveilles ; mais toujours on a échoué dans chacune de ces tentatives, dont l’historique est intéressant à tracer, car il prouvera une fois de plus combien ces sortes d’institutions sont défectueuses dans notre pays.

Ce fut en 1850 que l’assistance publique essaya de ce système, auquel elle fera bien, je crois, de ne jamais revenir. Un jésuite, le père Brunauld, avait créé en Algérie, près de Bouffarik, la colonie agricole de Ben-Aknoun ; moyennant une rétribution journalière de 75 centimes par enfant de 12 à 15 ans et de 50 centimes pour les enfans de 15 à 18 ans, il s’engageait à en faire de bons agriculteurs, à leur remettre une somme de 100 francs à leur majorité et

  1. « Lorsqu’un élève est l’objet de poursuites judiciaires, le sous-inspecteur doit faire toutes les démarches nécessaires afin de lui éviter, s’il est possible, les suites toujours fâcheuses d’une condamnation. » Instruction générale sur le service des enfans assistés du département de la Seine ; 1869, article 82.