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Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/269

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d’observation, il faudra faire appel à la science du droit, et nous aurons dès l’abord à soulever une grave question de réglementation et d’attributions, celle des eaux où se fait sentir le flux et le reflux. Là s’élèvera un conflit entre la marine et les travaux publics, conflit qu’il faudra vider en faveur des seconds, auxquels il est essentiel de livrer le bas tout aussi bien que le haut de nos cours d’eau productifs. En l’état actuel, tout le monde sait que la marine revendique toute partie de rivière où la marée se fait sentir, et qu’en vertu des ordonnances malheureuses de Colbert elle en réserve la pêche aux marins inscrits. Jamais plus déplorable division n’a pu être établie, cette attribution spéciale annihilant de fait toute espèce de surveillance et entraînant a sa suite les plus mauvais résultats. Concluons hardiment en demandant à la France de réagir contre son insouciance séculaire ; souhaitons que la crise menaçante de la disette de viandes, crise certaine l’an prochain, crise qu’il semble très difficile de conjurer, soit l’occasion salutaire d’un premier effort. Répétons bien haut que dans ses eaux douces et salées notre pays doit se créer une ressource immense pour l’alimentation publique, une réserve hors de toute atteinte pour les cas de famine ou de disette accidentelle.

Nous voulions montrer que l’aquiculture peut et doit être dans l’état l’égale de l’agriculture. Deux vérités ressortent de tout ceci. L’homme a besoin de chair pour vivre, chair venant de la terre et chair venant de l’eau. La première va nous manquer par suite d’événemens contre lesquels nous ne pouvons rien ; la seconde nous manque par suite de notre incurie. Disette d’un côté, disette de l’antre, — disette alors que l’abondance devrait régner dans le pays le mieux doué en fleuves de l’univers ! Cette leçon sera-t-elle comprise ? Nous l’espérons, et cette confiance nous a fait proposer divers moyens. Quelques-uns sont radicaux, et l’application de ces derniers exigerait le remaniement d’une partie de nos codes. Des esprits de bonne foi penseront peut-être que le but à atteindre ne mérite pas de semblables efforts ; ils se trompent, et c’est pour les en convaincre que nous sommes entré dans les détails où le lecteur a bien voulu nous suivre.


H. de La Blanchère.