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Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/312

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L’art, aussi prétentieux que bizarres, ornent cette fameuse église et les trois grottes sur lesquelles elle est construite. On montre aussi à Nazareth ce qu’on appelle le mont de la Précipitation, d’où les compatriotes de Jésus, offensés de ses doctrines, voulurent le faire tomber ; on ne sait pas bien quel endroit l’évangéliste a désigné, mais il est hors de doute que ce ne peut être celui-là. Un seul objet à Nazareth parait authentique comme souvenir de l’époque du Christ ; c’est la source qu’on appelle Fontaine de la Vierge, et qui est indispensable à la ville, où l’eau manque.

Nazareth, ignorée des auteurs de l’Ancien-Testament et de Josèphe l’historien, est aujourd’hui florissante. Presque entièrement chrétienne, très fréquentée par les pèlerins et les touristes, elle attire à elle les populations d’autres villes trop exposées aux invasions des Bédouins pillards. Telle est Beit-San (l’antique Scythopolis). Nazareth, placée à mi-côte, serait plus difficile à surprendre, et les dévastateurs n’osent monter jusque-là. Aussi peut-on dire de cette ville qu’elle a de l’avenir.

En la quittant, nous rencontrâmes sur notre chemin au moins quarante femmes de tout âge ; chargées d’énormes fagots de ramée qu’elles venaient de faire dans la campagne à plus d’une lieue de Nazareth. C’est un spectacle assez curieux que ce défilé de femmes et de jeunes filles portant sur leur tête ces fardeaux moins lourds qu’encombrans, d’une longueur et d’une grosseur démesurées. Leurs têtes s’encadrent d’une façon originale dans les branchages et les feuilles vertes. Leurs longues robes, qui tombent tout droit, leurs bras, nus jusqu’à l’épaule, qui soutiennent sur leurs têtes des rameaux entrelacés, leur donnent une ressemblance frappante avec certaines cariatides grecques. Plus loin, nous trouvons sur notre sentier des groupes très fréquens d’hommes, de femmes, d’enfans, tous parés de leurs plus riches atours, qui se rendent en grand nombre à une noce. La plupart des femmes sont en robe rouge, et les lourds boudins de pièces d’argent qui encadrent leurs figures ne sont pas, comme aux jours ordinaires, enveloppés dans des sacs de toile.

De Nazareth, la vaste pleine d’Esdraélon nous amena au pied du mont Carmel. C’est un cap à l’extrémité d’une baie arrondie. La montagne, avec la petite ville de Kaïfah qu’elle domine, avance dans la mer en face de la pointe où est bâtie une autre ville qui de là paraît toute blanche, et qui fut quelque temps la capitale des croisés, Ptolémaïs ou Saint-Jean-d’Acre. A gauche s’étend sans fin la Méditerranée ; à droite, le golfe pénètre dans les terres en suivant une courbe gracieuse. En face, à droite, à gauche, s’élèvent. les montagnes du Liban, de l’Anti-Liban, de l’Hermon. Cette vue est