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venait d’entrer en fonctions, elle fut repoussée par 54 voix contre 1, sur le rapport de M. Summer, président du comité des affaires étrangères. Les motifs de ce rejet sont exposés dans une dépêche du secrétaire d’état, M. Hamilton Fish, à M. Motley, successeur de M. Reverdy Johnson. « Le président, écrit M. Fish à la date du 25 septembre 1869, croit de son devoir de déclarer qu’il approuve, comme le sénat, le rejet de cette convention. Il pense que les conditions qui y sont insérées sont insuffisantes pour assurer aux États-Unis la réparation qui leur est due sous la forme et dans la limite qu’ils peuvent exiger… Le président n’est pas encore en mesure de se prononcer sur la question des indemnités à donner aux citoyens américains à l’occasion des torts qui leur ont été causés par des croiseurs rebelles équipés dans les ports de la Grande-Bretagne. Il n’est pas prêt non plus à parler de la réparation due par le gouvernement britannique comme compensation des pertes nationales immenses infligées aux États-Unis. Il ne peut davantage apprécier les dommages résultant de diverses causes, telles que reconnaissance inopportune des belligérans, armement des croiseurs, fourniture de navires et de munitions de guerre. Enfin il ne saurait discuter en ce moment les modifications importantes qu’il y aurait lieu d’introduire dans le droit international, modifications dont la dernière guerre a démontré l’utilité, et que la supériorité maritime de la Grande-Bretagne et des États-Unis leur commande de proposer aux autres puissances chrétiennes. Quand le jour sera venu, le président examinera ces nombreuses questions avec le désir sincère de les résoudre aimablement dans, des conditions compatibles avec l’honneur de chacune des deux nations. »

Jusqu’ici, l’affaire n’a pas eu d’autre suite, et cependant il est clair que, faute d’une solution, elle sera reprise un jour ou l’autre. Il paraîtrait, d’après une déclaration faite au sénat, que lord Clarendon, peu de temps avant sa mort, répondit à une proposition de rouvrir les négociations qu’il était douteux que deux gouvernemens guidés par des principes différens pussent arriver à une entente commune. Ce n’était peut-être qu’une réponse dilatoire faite dans la pensée de gagner du temps avec l’espoir que la surexcitation du moment se calmerait à la longue. Ce qu’il y a de moins douteux, c’est que le double rejet par le sénat et par le président du protocole signé par M. Reverdy Johnson fera désormais une position assez délicate aux ambassadeurs de la grande république américaine. Il est impossible de dire que M. Johnson ait dépassé ou méconnu ses instructions, et néanmoins la convention qu’il avait conclue a été rejetée. C’est que les traités conclus par un ministre américain sont soumis à la sanction d’une assemblée irresponsable qui est