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Mais en France et en Allemagne, les érudits avaient eu vent de l’édition préparée, dont ils sentaient toute l’importance pour l’histoire ecclésiastique. Jean de Launay, Reiser, Tentzal, Baluze, se répandaient en plaintes amères contre la confiscation exécutée à Rome. Bientôt éclatèrent les disputes violentes du gouvernement de Louis XIV et du saint-siège. A la veille de l’assemblée de 1682 parut tout à coup le Liber diurnus, édité par le père Garnier, de la société de Jésus, bibliothécaire du collège de Clermont. La cour de Rome se fâcha, manda près d’elle le jésuite, qui mourut en route. En 1685, Mabillon, retrouvant à Rome même le manuscrit dont Holstein s’était servi, releva d’importantes variantes dans l’édition de Garnier, et compléta le travail du bibliothécaire de Clermont.

En 1724, Benoît XIII monta sur le trône pontifical. Plus tolérant que ses prédécesseurs, il rouvrit les portes du Vatican aux exemplaires de Holstein, séquestrés depuis 1662. Du moins il en circula quelques-uns qui allèrent s’enfouir dans des bibliothèques de cardinaux et de moines. On ne put s’en procurer par les voies ordinaires de la librairie. En Allemagne, en 1733 et 1741, et à Vienne, sous Joseph II, en 1762, le Liber diurnus fut réimprimé pour être de nouveau oublié, si ce n’est de quelques savans. C’est de nos jours et en France que l’Académie des Inscriptions, comprenant l’utilité de ce recueil pour les études historiques, invita MM. Daremberg et Renan à collationner de nouveau à Rome le manuscrit qui servit à Luc Holstein. C’est sur leur travail que M. de Rosière s’est appuyé pour rectifier l’édition à peu près disparue de Garnier. Il a enrichi par là notre érudition française d’une de ces œuvres qui, par leur nature même, ne peuvent jamais devenir populaires, mais que leur mérite intrinsèque recommande à tous les hommes d’étude.


ALBERT REVILLE.


C. BULOZ.