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visibles dans les petites îles de l’Europe, la Corse, Ouessant, les Orcades. La loi contraire, qui assigne un remède à cette déchéance dans le croisement avec des races étrangères, n’est pas moins certaine. Toute une science repose sur cette double loi, dont les applications ont chaque jour les conséquences les plus fécondes dans l’Europe entière et surtout en Angleterre, où elle a pris naissance sous le nom de sélection. Ne trouve-t-elle pas sur ce vaste théâtre et sur la race polynésienne une application nouvelle, plus sérieuse dans ses résultats, plus importante au point de vue de l’humanité et de la justice ? D’autres plus autorisés discuteront les idées que nous venons d’émettre et qui nous paraissent justes. S’il en est ainsi, le remède à tant de souffrances se présente de lui-même : c’est le croisement de cette race si tristement éprouvée avec d’autres races étrangères, non-seulement avec les Européens, mais encore avec les populations qui semblent avoir avec elle une commune origine ; je veux dire les Indiens des autres îles de la Micronésie, et surtout les Chinois, dont la persévérance et l’activité intelligente suppléeraient à la paresse, à l’insouciance de la race maorie. Déjà l’émigration par laquelle s’opérera ce mélange des races prend chaque jour de nouveaux développemens à mesure que les pionniers européens viennent s’établir dans les divers archipels de l’Océanie pour en exploiter les richesses. Les heureux résultats qu’on a raison d’en attendre sont déjà évidens. Les Half-Castes se montrent actifs, laborieux, persévérans. Il faut donc espérer que l’effrayante dépopulation de ces pays va s’arrêter, que cette race si digne d’intérêt, dont on semblait pouvoir prédire l’extinction totale, se relèvera de sa déchéance, et contribuera, elle aussi, à la marche progressive de l’humanité.


II

Le 20 juillet 1869, après un violent orage qui nous avait longtemps caché l’horizon, les hautes terres des Samoa, que nous avions jusqu’alors vainement cherchées, apparurent soudainement à nos regards. La brise des alizés, un moment suspendue, venait de reprendre. Rapidement poussé par elle, le Flying-Cloud longeait à petite distance, moins d’un mille, comme pour nous permettre de suivre dans ses détails le spectacle gracieux qui s’offrait à nous, les rivages découpés de Tutuïta et d’Opoulou, tandis que, perdus dans les nuages, se montraient parfois les sommets lointains de Sevaï. Tous les voyageurs qui ont visité ces îles s’accordent à les déclarer les plus belles de l’Océanie. « Nous rangeant à l’opinion de Lapérouse, dit Dumont-d’Urville, nous n’hésitons pas à proclamer Opoulou comme supérieure en beauté à Taïti elle-même. »

Terres volcaniques comme toutes les grandes îles de la Polynésie,