Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/464

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Matautu[1], et qu’on ne se batte nullement dans les lieux où habitent les blancs de peur que la guerre n’y occasionne quelque accident regrettable ou quelque acte arbitraire. Aussitôt ils nous répondirent par une lettre d’adhésion et de remercîment.

« C’est alors qu’après une nuit de siège tous les ennemis ont abandonné les forts de Malinuu se sont enfuis à Apia, et y ont établi voie forteresse au milieu des habitations des blancs. Nous avons alors envoyé une ambassade aux consuls des nations étrangères pour leur faire ces questions : quel est le sens de ce fort que l’on élève à Apia ? comment son existence s’accorde-elle avec notre convention de ne point faire la guerre dans les lieux qu’habitent les étrangers ? Qu’on le fasse évacuer au plus tôt ; les champs de bataille ne sont pas rares, que nos ennemis s’y retirent pour faire la guerre, (Puis, s’adressant au consul anglais en particulier) : — Et si tu ne peux pas faire évacuer ce fort, transporte ailleurs ta dignité de consul, ainsi que ta famille et ton pavillon, car il est nécessaire que nous prenions ce fort, et vous ne seriez pas en sûreté en restant où vous êtes[2].

« L’évêque catholique a aussi envoyé à Williams une lettre de protestation contre l’érection de ce fort à côté de son palais, et contre l’audace de M. Williams, qui semblait prendre sous la protection du pavillon anglais tous les combattans du parti de Laupapa.

« Dans sa réponse écrite, le consul dit : — Il n’en est pas ainsi. Je ne prends sous la protection de mon pavillon que mes propres domestiques. Il ne voulut pas se retirer ailleurs ; mais dans son salon il se fit une forteresse de balles de coton et s’y enferma tandis que ses domestiques étaient dehors, derrière son mur d’enceinte.

« Nous nous sommes alors rués contre ce fort où étaient nos ennemis, nous nous sommes battus avec acharnement, et en un seul jour nous nous sommes rendus maîtres du fort. Alors tous les guerriers se sont précipités pour s’emparer des richesses qui étaient dans les maisons de nos ennemis et y mettre le feu ; mais tout à coup M. Williams se présente et nous dit : ― Les maisons de Pita et de Saïto sont mes maisons ainsi que les richesses qui s’y trouvent,

« Nous avons été bien surpris, et nous nous sommes dit : Comment cela peut-il être ? et aurions-nous eu tort de croire vrai ce que M. Williams nous disait si souvent, qu’il n’était pas un marchand, mais un consul auquel le commerce est interdit ?

« Il paraît que nous étions tout à fait dans l’erreur à ce sujet ; c’est ce

  1. Ce sont les deux villages indiens qui entourent Apia. Mata-utu (Matagofié) est la Ville de Laupapa.
  2. Le fort dont il s’agit, carré de maçonnerie, complété par une palissade en troncs d’arbre, était situé à moins de 50 pas de la maison habitée par le consul anglais et à 100 pas de la mission catholique.