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Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/480

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archipels, les derniers représentans d’une époque déjà loin de nous, celle où l’Océanie n’était qu’un champ d’aventures que parcouraient les voyageurs et les marins, mais où nul ne songeait à se fixer, en dehors des missionnaires et des hommes qu’un aime avait mis au ban de la civilisation.

Tels ne sont plus aujourd’hui les entraînemens qui poussent les nouveaux pionniers européens vers les archipels de la Polynésie. La découverte des riches terrains aurifères de la Californie et de l’Australie, sans compter l’esprit général de notre époque, a surexcité d’autres passions. S’enrichir pour retourner briller en Europe, voilà le seul but que poursuivent tous ces déclassés de nos sociétés vieillies que l’on rencontre sur ce nouveau théâtre ouvert à leurs convoitises. Ce but, ils y marchent dans le monde entier, chacun suivant le génie de sa propre nation : les Anglais et les Allemands par les labeurs persévérans du colon et du planteur ; les Américains du nord par leurs expéditions maritimes et la patiente activité dont ils fouillent les marchés les plus ignorés pour les exploiter à leur profit ; nos compatriotes, sauf de bien rares, mais très honorables exceptions, par des entreprises de tout genre, tentatives presque toujours avortées, parce que, mal conçues le plus souvent ou bien exigeant avant tout de la suite et de la persévérance, elles ne peuvent être menées à bien par des esprits changeans, incapables d’attendre avec patience les résultats lents et assurés du travail. Ceci est du moins la triste impression que nous ont laissée nos longues courses. Qu’il nous soit permis d’esquisser rapidement le portrait et l’odyssée de l’un des deux seuls compatriotes que nous avons vus à l’œuvre dans, cette immense région de l’Océanie, en dehors toutefois de Taïti et des Sandwich. Les détails qu’on va lire trouvent du reste ici leur place naturelle.

M. D… a été pour les Wallis ce que furent aux Gambiers ceux de nos compatriotes dont nous avons dit l’action fâcheuse, à nos yeux du moins, sur la prospérité de ces îles, et si cette action aux Wallis n’a pu être aussi puissante, cela tient à des circonstances particulières ; mais les principes, les idées, les passions en jeu, étaient évidemment les mêmes. M. D… appartenait à une famille très honorable. Son père était capitaine du premier empire. Après quelques tentatives sans succès dans divers ports de l’Amérique du. Sud, il alla s’établir à Taïti, où il ne semble pas, avoir été plus heureux. L’occupation de la Nouvelle-Calédonie lui parut une occasion favorable. Il réalisa tant bien que mal les débris de sa fortune, et partit sur une petite goélette pour la Nouvelle-Calédonie. A Vavao, il fit naufrage par la faute du pilote indigène, perdit sa goélette, et réclama comme réparation du dommage que lui avait causé