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avec le célèbre capitaine, dont les amis ménageaient si peu les tories au parlement et ailleurs.


II

Ce fut au milieu de ces événemens divers et de ces alternatives de crainte et d’espérance pour l’issue de la guerre que s’ouvrit la mémorable campagne de 1712, où la France allait exposer ses dernières ressources, et de laquelle devait dépendre le sort de notre pays. Des trois grandes puissances coalisées contre nous, une seule était en pourparlers pour la paix, et c’était celle dont le contingent militaire était le moins considérable. Les deux autres puissances, la Hollande et l’empire, restaient debout, menaçantes, pleines d’ardeur, irritées et résolues à user des derniers moyens pour terminer la lutte. À ce moment solennel, la situation militaire de la France restait toujours des plus critiques. Le plan de la coalition et du prince Eugène de Savoie, qui en était l’âme, était depuis longtemps de s’ouvrir la vallée de l’Oise, dont la source remonte aux coteaux des Ardennes, et de marcher sur Paris par cette voie directe, dont la mauvaise place de Guise était la seule défense. Pour couvrir cette vallée et son débouché vers Mons, Villars avait livré une terrible bataille à Malplaquet (11 septembre 1709). L’honneur des armes y fut sauvé, mais la victoire, vaillamment disputée, nous fut ravie, et Villars y fut gravement blessé. Toutefois les pertes du prince Eugène avaient été si considérables, qu’il n’osa continuer ses tentatives sur une trouée si bien gardée. La campagne de 1710, sans être heureuse pour nous, ne fut cependant marquée par aucune entreprise trop menaçante de la coalition ; celle-ci croyait Louis XIV à bout de forces, et, comme elle était épuisée elle-même, elle ne se hâta point. On profita de ses tâtonnemens et de ses lenteurs pour se fortifier. Le prince Eugène poursuivit alors son plan d’invasion par une autre voie ; il avait forcé la ligne de la Scarpe, nous défendions à peine la ligne de l’Escaut et du Sanzet, et il se flattait de pénétrer dans le royaume par des passages qu’il attaquait entre la Lys et l’Escaut. Douai, Béthune, Aire, Saint-Venant, tombèrent en son pouvoir, sans lui offrir pourtant des points d’appui à son gré assez solides pour avancer hardiment, car il voyait à la traverse les places et la ligne de la Somme, et il était obligé de laisser en arrière les places de l’Escaut, de la Sambre et de la Meuse, où nous avions de nombreuses garnisons. Il usa dans ces hésitations la campagne de 1711, et Villars, qui ne s’exposait plus, organisa prudemment une résistance qui tint momentanément l’ennemi en respect.

La campagne de 1712 s’annonçait dans des circonstances nouvelles pour tout le monde. Eugène allait revenir au plan d’attaque