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française campée dans les environs de Noyelles, et officier de la confiance intime du maréchal de Villars, une lettre particulière dans le même sens que celles de Louis XIV à Villars, Cette dépêche est ainsi conçue :

« On prétend que le prince Eugène doit se déterminer ces jours-ci à faire un nouveau siège, de Landrecies ou de Maubeuge. Je vous supplie de me mander si vous jugez qu’en faisant le siège de Landrecies ils puissent toujours conserver leur communication à Douai par Marchiennes, pour en tirer leurs convois et munitions de guerre, ce qui est fort éloigné de Landrecies, et il est néanmoins bien difficile qu’ils les puissent faire venir d’ailleurs, n’ayant rien de plus près que nous, s’ils ne tirent pas de Douai. S’il était possible dans ce grand éloignement d’attaquer leurs lignes de Demain pour couper la communication, ce moyen paraîtrait le plus assuré et le moins hasardeux pour les obliger à lever le siège, et vous feriez bien d’en écrire vous-même à M. le maréchal de Villars et de lui en envoyer un projet, lui marquant le nombre de troupes dont vous auriez besoin, de quelle manière et en quel temps il devrait les faire marcher pour vous les envoyer et en ôter la connaissance aux ennemis. Comme il doit passer l’Escaut avec l’armée du roi, lorsque les ennemis s’approcheront de Landrecies, il me semble que dans ce mouvement général de l’armée du roi la contre-marche que feront quelques brigades par les derrières pourrait aisément être cachée. Le roi ne veut point laisser prendre Landrecies, comme on a fait du Quesnoy, et sa majesté hasardera plutôt une bataille pour secourir la place que de ne rien faire du tout. C’est pour cela que je vous prie d’examiner s’il serait possible d’empêcher le siège, en interrompant cette communication du camp de Douai. »

On n’a pas, au dépôt de la guerre, la réponse de M. de Broglie, qui ne paraît pas avoir été favorable, en ce moment du moins, à une diversion sur Denain. Dans la pensée du ministre, c’eût donc été le comte de Broglie qui, avec les réserves de l’armée, aurait pu tenter de couper les lignes de Marchiennes, pendant que le corps principal de l’armée française, sous le général en chef, se portait en avant sur Landrecies, et cette circonstance expliquerait le silence gardé dans le conseil de guerre de Noyelles. En somme, il est avéré que le roi et Villars avaient l’œil ouvert sur Denain bien avant le 24 juillet, et l’on ne s’explique pas que le prince Eugène s’y soit laissé prendre. Les dépêches de. Versailles dont je viens de parler se sont croisées avec le mouvement de Villars sur la Sambre, et ne lui sont arrivées que lorsqu’il était déjà sur le plateau où la Selle prend sa source. Dans cette position, il reconnut et fît savoir à Versailles, après avoir pris l’avis de ses principaux officiers-généraux, que la nature des lieux rendait toute attaque difficile, et qu’on ne