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enlève toute sa valeur. En outre les chevaux de trait sont précoces ; à dix-huit mois ou deux ans, on peut en obtenir un travail fructueux sans nuire à leur conformation. La faculté de les utiliser jeunes aux travaux de l’agriculture a même fait introduire dans l’industrie équestre un usage extrêmement avantageux. Les cultivateurs qui ont des terres arrosées, prairies ou pâturages, qui peuvent entretenir des jumens poulinières avec économie, font naître des poulains et les vendent très jeunes. Ainsi agissent ceux de la Bretagne, de plusieurs contrées humides du Poitou, des grasses et riches vallées du nord, des montagnes de l’est, etc. Sur les plateaux non arrosés, où les prairies naturelles sont rares, où la culture des céréales est si répandue, où les animaux doivent être nourris au râtelier avec de l’avoine et le produit des prairies artificielles, le cultivateur est intéressé à n’avoir que des bêtes de travail. Il achète des poulains, les emploie à l’exploitation de sa ferme, et, tout en les nourrissant bien, les élève économiquement : les poulains paient largement leur entretien par leurs services et par l’augmentation de leur valeur.

De nos jours, la production chevaline ne prend un grand développement que dans les contrées où, en raison de la nature du sol et du climat, on peut y appliquer la division du travail, qui offre de si grands avantages. Plus encore peut-être que pour les autres industries, la division du travail a sa raison d’être dans l’élevage du cheval. Elle utilise les forces naturelles propres à chaque localité, et permet d’appliquer chacune de ces forces de manière a en obtenir les résultats les plus heureux. Ainsi non-seulement on peut s’appuyer, pour en démontrer les avantages, sur ce que le fermier qui fait naitre, exerçant une industrie limitée, en apprend facilement le mécanisme, en connaît les côtés faibles et la dirige en conséquence, — sur ce que, n’ayant à soigner que des jumens et de jeunes poulains, il n’a pas à craindre les accidens qu’occasionne le mélange dans la même ferme des mâles et des femelles, — mais surtout sur ce qu’il emploie le produit de ses prairies naturelles et de ses pâturages de la façon la plus productive en nourrissant des jumens poulinières et de très jeunes poulains. De même le cultivateur de nos riches plateaux de la Beauce, du Berry, de la Bourgogne, de la Champagne, fait économiquement de bons chevaux, non-seulement parce qu’il est devenu habile dans le choix des poulains qu’il achète et soigneux de tout ce qui concerne les conditions hygiéniques qui leur conviennent, mais parce que le sol qu’il cultive, les excellens fourrages et les bons grains qu’il récolte sont particulièrement propres à favoriser le développement des qualités que l’on recherche dans un bon cheval de service. Il tire plus de profit de la bonne nourriture dont il peut