Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/81

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la gratuité de l’admission, malgré la proximité attrayante du bois de Vincennes, a faut croire qu’on ne s’empresse pas d’y entrer, car au commencement de cette année on n’y voyait que 5 pensionnaires, tous atteints d’infirmités.

Parmi ces hospices, il en est un qui est presque célèbre ; il est luxueux, si on le compare aux autres. Il représente plutôt une pension bourgeoise très comfortable qu’une maison ouverte aux abandonnés de la fortune ; on a tout fait pour lui enlever le caractère un peu triste qui se remarque dans les établissemens analogues, et son nom même indique avec quel soin on a évité ce qui pourrait donner l’idée d’asile ou de secours : on l’appelle l’Institution Sainte-Périne. L’idée première en appartient à Chamousset, dont le nom se trouve mêlé à toutes les bonnes œuvres, à toutes les inventions utiles du XVIIIe siècle[1]. Elle resta d’abord sans effet et ne fut reprise qu’au commencement du siècle par deux spéculateurs, Gloux et Duchayla, qui, dans un établissement de bienfaisance, ne virent qu’un moyen de faire fortune. Ils intéressèrent l’empereur et l’impératrice Joséphine à leur projet, et organisèrent une maison de retraite dans l’ancien couvent de Sainte-Périne, à Chaillot. Ce grand hospice, placé au milieu de très vastes jardine, fut immédiatement adopté par la plupart des personnes âgées que la révolution avait ruinées, et qui cependant avaient conservé des ressources suffisantes pour acquitter la pension annuelle. L’incurie, — pour ne pas dire plus, — des administrateurs était telle que pendant plusieurs mois de 1807 l’empereur envoyait aux pensionnaires des vivres préparés pour eux aux cuisines des Tuileries. Sans cette précaution vraiment extrême, ils eussent été exposés à mourir de faim. Aussi un arrêté du ministère de l’intérieur, en date du 13 novembre 1807, autorise le préfet de la Seine à s’emparer de la direction de Sainte-Périne au nom du conseil général des hospices. Depuis ce temps, et malgré de nombreux procès que les sieurs Gloux et Duchayla intentèrent à l’administration municipale, l’institution fonctionna avec régularité. Elle recueillit bien des existences qui avaient eu leurs jours de grandeur, et plus d’un haut personnage put, grâce à cet asile, éviter les humiliations de la charité publique. Le vieux couvent de Chaillot, atteint par le percement de deux boulevards, a été détruit et remplacé en 1802 par une ample maison construite à Auteuil dans un parc de 78,651 mètres. C’est le Louvre des hospices, et l’on n’y reçoit que l’aristocratie de la pauvreté. L’article 1er du règlement spécial est formel.

  1. J’ai raconté en son temps que Chamousset fut l’inventeur de la petite poste aux lettres de Paris. — Voyez la Revue du 1er janvier 1867.