Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 90.djvu/226

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

choisis parmi les jeunes gens de seize à vingt ans dans l’ordre de Saint-Jean, dans celui de Malte et dans différentes sociétés laïques. Le personnel salarié était très restreint. D’après la pensée première de M. Henri Dunant, un des principaux fondateurs de l’association c’était surtout au dévoûment qu’il fallait faire appel, et je crois que dans le comité de Paris beaucoup d’esprits éclairés partageaient cette opinion. Il suffirait d’un petit nombre de mercenaires pour les voitures, la cuisine et quelques corvées qui ne demandent que l’habitude des travaux manuels. Presque tous les infirmiers pourraient être des jeunes gens de bonne volonté. L’éducation et l’intelligence des subordonnés deviendraient les meilleurs garans de l’ordre, et on laisserait à chacun la mesure nécessaire de liberté pour s’arranger le moins mal possible au milieu des difficultés de pareilles expéditions. Il y aurait même un sérieux avantage à ce que les comptables et tous les chefs administratifs, au lieu d’être des employés salariés, fussent de simples volontaires : gens d’affaires et hommes du monde auxquels leur mérite donnerait ce qu’il faut d’autorité.

On ne doit pas oublier qu’un des principaux devoirs d’une ambulance est de diriger dans les contrées envahies les efforts toujours nombreux de la charité locale, qu’il faut dans ce cas à tout le personnel une certaine valeur morale qui le fasse respecter. Je sais bien des villages où nos infirmiers ont inspiré plus de crainte que de sympathie. Si on objecte que les dévoûmens volontaires n’ont pas été assez nombreux, il est difficile d’admettre qu’il eût été impossible de faire chez nous ce qu’on a fait ailleurs. Peut-être la société internationale de France n’a-t-elle pas eu l’activité que nous avons vu déployer depuis quatre ans dans d’autres pays, surtout en Allemagne. Je sais qu’en 1867 la France a eu l’honneur de provoquer à Paris une exposition du matériel des ambulances européennes, mais depuis cette époque le zèle s’est un peu ralenti. Au mois de décembre 1869, le comité n’avait recueilli pour l’année que la somme insignifiante de 3,661 fr.[1], pendant que la société russe comptait plus de 8,000 adhérens. Après six ans d’exercice, nous avions institué quelques sections provinciales, en particulier celles de Compiègne, du Havre et de Lyon ; au mois de juin 1866, au début de la guerre de Bohême, M. le comte de Stolberg-Wernigerode, commissaire-général des hospitaliers volontaires de l’armée prussienne, avait sous ses ordres plus de cent cinquante comités d’hommes, et les sociétés de femmes n’étaient pas moins nombreuses. En ce moment, après six semaines de guerre, le comité

  1. Rapport de M. Vernes : Bulletin de la Société française, juin 1870.