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consomment ces produits sont, en fait d’art, les pareils de ceux qui les exécutent, et ces toiles, que nous traiterions de rebut, trouvent là-bas un débit assuré par grandes masses. C’est la part qu’il faut abandonner à l’Amérique tant que ses tarifs seront ce qu’ils sont. La nôtre, ce qui nous reste malgré tout, c’est l’étoffe mieux faite, mieux traitée dans le détail, mieux ourdie, couverte de meilleurs dessins.

Dans ce partage à peu près constant, M. Alfred Engel ne signale guère qu’un petit nombre d’exceptions, notamment les percales, qui, dans deux ou trois maisons, lui ont paru comparables aux produits français. Son opinion est bonne à citer. « MM. Sprague et C°, dit-il, les Pacific Mills, le Merrimack manufacturing et C°, font des percales qui ne le cèdent en rien à nos exportations ; d’excellens connaisseurs préfèrent cet article américain à la marchandise française à prix égal, sans en savoir la provenance, et j’ajouterai que les établissemens que je viens de citer sont à même de vendre à 31 cents currency le yard de ce tissu avec un fort bénéfice, quand le nôtre, droits payés, nous revient en ce moment sur ce marché à 37 cents or, c’est-à-dire à l’équivalent de 46 currency. Ils peuvent donc vendre une qualité égale à la nôtre à 15 cents par yard meilleur marché que nous. » Soit ; mais il y a un autre compte à faire, c’est le droit que notre tissu paie et dont le tissu américain est affranchi. Ce droit est de 20 pour 100 ad valorem et de 5 cents et demi en or par yard carré, en tout 50 pour 100 environ. Prenons le currency ou cours du papier-monnaie pour base : le coût de la percale étant de 46 cents le yard, c’est 23 cents à déduire pour le droit, ce qui réduirait le prix du tissu à 23 cents, c’est-à-dire à 8 cents meilleur marché que le similaire américain. C’est donc une protection de 26 pour 100 qui demeure acquise à ce dernier, et par conséquent un débouché strictement fermé à toutes les concurrences. Dans ces conditions, il est difficile d’admettre, avec M. Engel, que sur un marché libre les percales américaines puissent tenir tête aux percales anglaises et françaises, à moins d’une supériorité très marquée dans l’exécution.

Sur un autre article, le retordage du coton, les niveaux naturels entre l’ancien et le Nouveau-Monde semblent également se rapprocher. Cette branche n’est pas à dédaigner. D’après M. Greene, l’un des hommes qui l’exploitent avec le plus de succès, la production totale des États-Unis en fils à coudre est de 10 millions de douzaines de bobines de 200 yards. Sa fabrique est à Pawtucket dans le Rhode-Island, et se distingue par une tenue supérieure. On y voit 20,000 broches, transformant par an 850,000 livres de coton en 1,250,000 bobines ; excellens en blanc, les produits laissent beaucoup à désirer en couleurs. Ces chiffres ne sont rien d’ailleurs