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Considéré comme espèce, il est cosmopolite dans l’acception la plus rigoureuse du mot. En fait aussi, une de ses grandes races a prouvé que son organisation pouvait se plier aux conditions d’existence les plus opposées. La race aryenne est partie de quelque point de l’Asie centrale, probablement des massifs montagneux du Bolor et de l’Indou-Kob, où l’on retrouve encore des représentans de la souche originelle[1]. En tout cas, elle est sortie d’une région où l’été ne durait que deux mois, ce qui correspond à peu près au climat de la Finlande. D’étapes en étapes, elle est arrivée d’abord d’un côté jusqu’à l’extrémité de la presqu’île gangétique, à 8 degrés de l’équateur, de l’autre jusqu’en Islande et au Groenland ; puis, l’ère des grandes découvertes venue, elle a semé ses colonies dans l’univers entier, peuplé des continens et remplacé des races indigènes. Certes, à ne considérer que les faits généraux et le résultat de cette activité séculaire, personne ne peut refuser à la race aryenne la qualité du cosmopolitisme.

Au prix de combien de vies humaines ont été accomplies les grandes conquêtes de nos ancêtres ? Nul ne le sait ; ces combattans des âges passés n’avaient pas d’histoire. On peut à peine soupçonner par analogie ce qu’ils ont eu de luttes à supporter contre la nature, contre les populations qui occupaient avant eux les terres qui forment la moitié de l’Asie et l’Europe entière. De nos jours, il n’en est plus de même. Quand une expédition nouvelle s’engage, quand l’Européen tente une colonisation de plus, la science enregistre le nombre des soldats ; elle suit de l’œil la bataille, elle compte les morts et les survivans, et, trouvant parfois que le nombre des premiers l’emporte, elle déclare la victoire, en d’autres termes, l’acclimatation impossible. En vérité, c’est aller un peu vite, c’est oublier les lois les plus élémentaires de l’analogie. Nous, les fils de ces Aryens primitifs qui occupent aujourd’hui le globe, nous ne pourrions quitter sans mourir la terre où nous sommes nés ! Pour qu’il en fût ainsi, il faudrait évidemment, ou que la nature fondamentale de la race eût été singulièrement altérée, ou que les conditions générales d’existence eussent subi un changement profond, changement que rien ne permet de supposer.

Est-ce à dire qu’à nos yeux les races européennes ou des races quelconques puissent s’acclimater toujours et d’emblée dans n’importe quelle localité ? Non, et quelques anthropologistes ont eu tort de le croire. Ceux-ci ne tenaient pas compte de faits malheureusement impossibles à nier ; ils oubliaient que toute colonisation est

  1. Les Mamogis, ces blancs à demi sauvages dans lesquels on a voulu voir des descendons des soldats macédoniens, sont en réalité les descendons directs des Aryens primitifs, et représentent la branche aînée de toutes nos populations, y compris les Perses iraniens, les Grecs et les Romains.