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consommé, que l’Académie, se départissant de l’incrédulité qu’elle s’était faite en matière de navigation aérienne, a consenti à écouter, et dont toutes les communications ont trouvé place dans ses Comptes-rendus. Poussant jusqu’au bout la bienveillance pour M. Dupuy de Lôme, elle a même décidé que ces communications seraient imprimées en entier, « bien que dépassant en étendue les limites réglementaires. » Le gouvernement à son tour, abandonnant également la réserve dans laquelle il s’est toujours tenu en France vis-à-vis des inventeurs en général, et en particulier des inventeurs de ce genre, a, sans hésiter, accordé à M. Dupuy de Lôme la somme de 40,000 francs que celui-ci réclamait pour exécuter son projet. En ce moment, l’inventeur est à l’œuvre, et peut-être dans quelques semaines son appareil sera-t-il prêt à marcher.

En étudiant une question si controversée, M. Dupuy de Lôme s’y présente tout d’abord avec un grand avantage. Il a construit des navires toute sa vie, et l’on sait combien est appréciée son habileté d’ingénieur, tant auprès du monde savant qu’auprès du monde des marins. Passer de la navigation maritime à la navigation aérienne, c’est pour un homme habitué aux constructions navales traiter en quelque sorte deux cas d’un même problème. En quoi consiste le projet de M. Dupuy de Lôme ? A diriger un aérostat et non point un navire plus lourd que l’air. Les dessins qu’on nous présente (l’inventeur ne s’en cache pas), ce sont ceux que l’on trouve dans tous les livres d’aérostation depuis l’invention des Mongolfier, c’est-à-dire un ballon en forme de poisson, muni à l’arrière d’une voile comme gouvernail, et d’une hélice comme appareil de propulsion (autrefois c’étaient des palettes). A l’intérieur de l’aérostat, pour éviter les déperditions de gaz, pour tenir l’appareil toujours gonflé, pour aider à la montée et à la descente, est un ballon sphérique rempli d’air, jouant le rôle de la vessie natatoire des poissons. Tout cela est connu depuis Meusnier, qui a même présenté des dessins analogues à ceux de M. Dupuy de Lôme ; mais ce qui, dans cette circonstance, forme le bagage vraiment original du nouvel inventeur, c’est d’avoir soumis la question aux rigueurs du calcul algébrique, d’avoir dégagé du problème les véritables inconnues. C’est ainsi que M. Dupuy de Lôme arrive à nous dire que son aérostat ne pourra jamais lutter contre le vent, mais seulement s’avancer en faisant avec la direction du courant atmosphérique un angle variable suivant les cas, et assez peu ouvert, en un mot en serrant presque toujours le vent au plus près, comme disent les marins. En outre la plus grande vitesse qu’il pourra imprimer à son navire aérien sera de 8 kilomètres à l’heure seulement, et pour cela il lui faudra la force de six hommes se relayant à la manœuvre d’un treuil qui mettra l’hélice en mouvement. Le gaz employé au gonflement sera