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cès et croyant avoir de nouveaux et plus grands sujets de plainte contre Wallenstein, le fait assassiner. C’était pour les évangéliques un cruel ennemi de moins, ce qui ne les empêcha pas de perdre la bataille de Nordlingue le 6 septembre 1634. Ce coup terrible et fatal mit de nouveau l’Allemagne aux bords de l’abîme. Les confédérés avaient placé leur espérance dans Bernard, et Bernard était vaincu ; le prestige de Lutzen s’était évanoui, et, le découragement gagnant les âmes avec rapidité, l’union évangélique fut comme dissoute. Chacun ne songea qu’à ménager son accommodement particulier, et le premier qui donna l’exemple de la défection fut l’électeur de Saxe. Au lendemain de Nordlingue, il s’empressa de négocier avec l’empereur, et en mai 1635 il souscrivit à Prague un traité soigneusement élaboré par la chancellerie impériale, et qui était destiné à être présenté à l’adhésion de tous les membres dissidens du corps germanique comme un acte de pacification remplaçant les transactions de Passau et d’Augsbourg. Ce traité de Prague fut un coup plus terrible encore que la bataille de Nordlingue par l’effet moral qu’il produisit ; c’était un pont offert à toutes les lâchetés : le désarroi fut universel. Les alliés d’Heilbronn, consternés, s’adressèrent encore à Oxenstiern pour les tirer d’embarras ; mais plus d’armée, plus d’argent, plus de moyen d’en avoir. Oxenstiern se tourna inutilement vers l’Angleterre, la Hollande, les Vénitiens ; il ne restait que la France. Les états lui offrirent la remise des places de l’Alsace pour la sûreté de ses opérations militaires, et lui en firent entrevoir la cession ultérieure comme compensation des sacrifices suprêmes qu’il fallait faire pour délivrer l’Allemagne ; Richelieu accepta la proposition. Ce fut une nouvelle et dernière période de la guerre de trente ans. La France parut alors avec éclat et avec toutes ses forces sur le théâtre de la lutte ; en elle était placée l’unique espérance de l’Allemagne, et, pendant douze ans encore, elle répandit son sang pour assurer le résultat de tant d’efforts réunis. Ce marché solennel de l’Allemagne et de Richelieu est maudit par Schiller, qui, par une contradiction singulière, en proclame néanmoins la nécessité, tout comme le salutaire effet.

Le traité relatif à l’Alsace est du 9 octobre 1634. Il y est dit que toutes les places de ce pays occupées par les Suédois ou les confédérés seront remises en la possession du roi de France, et y demeureront jusqu’à la pacification de l’Allemagne, laquelle arrivant, « elles seront remises, une chacune, selon le traité de paix qui sera fait. » Le traité fut immédiatement exécuté ; plusieurs traités postérieurs en confirmèrent les dispositions[1]. Quelques mois après, Richelieu conclut avec les Hollandais un autre traité qui recommande

  1. Voyez le recueil de Dumont, VI, p. 74, 78, 79, 88 et suiv.