Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 91.djvu/118

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
L’ALIMENTATION DE PARIS


PENDANT LE SIÈGE




I.

Dans une ville étroitement bloquée, comme Paris l’est depuis trois mois et demi, les conditions ordinaires de la vie économique se trouvent profondément modifiées. Les approvisionnemens cessant d’être entretenus chaque jour par de nouveaux apports, ceux qui les possèdent se trouvent investis d’un monopole accidentel dont la puissance s’accroît à mesure que les quantités existantes diminuent. Si on laissait les choses suivre leur cours ordinaire, les prix hausseraient progressivement selon le caractère de nécessité des denrées, de manière à devenir inabordables d’abord pour les classes pauvres, qui seraient réduites à mourir de faim, ensuite de proche en proche et de bas en haut pour les autres couches de la population. La classe riche serait atteinte la dernière. Elle subirait l’inconvénient des hauts prix ; mais du moins son existence ne se trouverait pas menacée aussi longtemps que les approvisionnemens ne seraient pas complètement épuisés. Est-il besoin de dire que les choses ne peuvent se passer ainsi, et qu’en se plaçant même exclusivement au point de vue de l’intérêt de la résistance, en faisant abstraction de toute considération de justice et d’humanité, le gouvernement d’une place assiégée ne peut laisser une partie de la population exposée aux horreurs de la faim, tandis que les classes favorisées de la fortune seraient à peine effleurées par les privations ? Il faut évidemment modifier en raison du blocus le régime ordinaire de la distribution des subsistances, et en général de tous les articles indispensables à la vie ; à mesure que l’action régulatrice de la concurrence cesse de se faire sentir, il faut aviser d’une manière ou d’une autre à la remplacer, ou tout au moins à corriger les effets