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une forte proportion les crédits supplémentaires et extraordinaires. Ce système malheureusement ne réalisa pas les espérances qu’il avait fait naître. Malgré le jeu des viremens, les crédits extra-budgétaires continuèrent à se produire pour des sommes importantes. En 1853, ils ne furent pas inférieurs à 75 millions, et s’élevèrent jusqu’à 867 millions en une seule année pendant la guerre de Crimée. D’un autre côté, le remaniement incessant de la dotation des chapitres jetait un trouble regrettable dans leur économie. On prenait à un service les allocations qui lui étaient nécessaires, et peu de temps après il fallait dépouiller un autre service pour les lui restituer. On aboutissait finalement à un crédit supplémentaire, mais en passant par des complications et une confusion inutiles. L’inconvénient devint tel qu’on résolut de le faire cesser en promulguant le décret du 10 novembre 1856. Sans rayer le droit de virement, ce décret eut pour objet de le rendre à peu près nul comme moyen d’ouvrir des crédits supplémentaires. Il en fit un simple procédé pour employer les crédits qui, sous la législation de 1830, auraient été annulés. Il décida que les viremens d’un chapitre à un autre ne seraient plus effectués que dans la seconde année de l’exercice, c’est-à-dire au moment où, toutes les dépenses étant engagées et connues, on pourrait constater les excédans de crédits réellement disponibles. Avec ces excédans, on devait couvrir les insuffisances d’allocations auxquelles il serait reconnu nécessaire de subvenir.

Cette disposition, d’une sagesse incontestable, remit de l’ordre dans la comptabilité, mais fut impuissante à modérer la marche des crédits supplémentaires et extraordinaires. Le chiffre en était de jour en jour plus considérable, défiait toutes les prévisions, et rendait difficile la tâche du ministre des finances. Il devint nécessaire d’y opposer une digue. Le sénatus-consulte du 31 décembre 1861 parut y apporter un remède radical en restreignant les pouvoirs donnés à l’empereur par la constitution de 1852, et en lui enlevant le droit d’ouvrir par décret les crédits extra-budgétaires. Ce droit fut exclusivement réservé au corps législatif. Seulement, comme il fallait assurer au gouvernement, dans l’intervalle des sessions, le moyen de pourvoir aux dépenses urgentes et imprévues, on lui restitua le droit de virement dans toute sa plénitude. C’est la législation qui a fonctionné pendant les dernières années du règne, et qui est encore en vigueur. Dans ce système, les modifications du budget primitif doivent résulter d’une loi générale de crédits supplémentaires votée l’année même de l’exécution, connue sous le nom de budget rectificatif, et des autres lois de crédits supplémentaires ainsi que des décrets de virement.

On peut adresser plusieurs critiques à cette méthode, qui offre