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compte de chaque ministre. S’il y a concordance, il en ressort que le compte est sincère et peut faire foi. La cour alors le déclare publiquement dans un acte solennel qui se renouvelle chaque année, et qui est connu sous le nom de déclaration générale de conformité. Cette déclaration générale est publiée avec les observations auxquelles peut donner lieu le rapprochement des arrêts et des comptes des ministres ; elle est distribuée à l’assemblée des députés.

On distribue également à cette assemblée le procès-verbal d’une commission administrative, dite commission de vérification des comptes des ministres, qui a pour principal objet de certifier la concordance de ces comptes avec les écritures tenues à la comptabilité centrale de chaque département ministériel et avec les écritures du ministère des finances. Les députés trouvent dans ces documens les élémens nécessaires pour apprécier la gestion financière du gouvernement, et pour procéder sûrement à la discussion et au vote de la loi de règlement définitif du budget expiré.

Tel est à grands traits le système général de l’administration et du contrôle des finances. Cet exposé sommaire suffira peut-être à faire comprendre les garanties qui protègent les deniers publics contre les créanciers de l’état, les comptables, les ordonnateurs de tout grade et les membres les plus élevés du gouvernement lui-même. Dès que l’argent est sorti de la bourse du contribuable, il est saisi par la comptabilité, qui le suit à travers toutes les mains, et ne l’abandonne qu’au moment où il est employé pour l’acquittement d’une dette réelle du trésor. Nul, s’il n’y a droit, ne peut en distraire une parcelle, et la conservation comme la légitimité de l’emploi des fonds se trouvent assurées par des règles rigoureuses, des méthodes précises, des responsabilités redoutables et des vérifications répétées. Faut-il en conclure qu’aucun abus ne se soit jamais produit, qu’aucune entreprise n’ait jamais été tentée contre les intérêts du trésor, que les investigations du contrôle n’aient jamais été déjouées par des manœuvres criminelles, qu’il n’y ait jamais eu ni faute, ni négligence, ni faiblesse de la part de ceux qui concourent à mettre en mouvement les rouages compliqués de cette vaste machine ? Un pareil résultat dépasserait les bornes de la perfection humaine, et il serait téméraire de l’affirmer. Il n’en faut pas moins reconnaître le mérite réel de nos institutions financières, qui ont accumulé les obstacles contre l’arbitraire et la mauvaise foi. Grâce à la rigueur de ces dispositions, il n’est permis de porter une main coupable dans le trésor qu’en passant par une série de crimes, et il est à peu près impossible de le faire impunément.

Il est vrai que le vol vulgaire et brutal dans la caisse n’est pas le seul moyen de porter atteinte à la fortune publique ; il est vrai que la possession du pouvoir peut offrir à celui qui veut en abuser