Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 91.djvu/292

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que nous ont appris les auteurs romains, l’Afrique se vantait de ses jeunes onagres, qu’elle nommait lalisions ; elle les considérait comme bien supérieurs par le goût aux ânons domestiques.

De toutes les parties du monde, c’est peut-être l’Amérique qui fait la plus grande consommation de viande de cheval. Les chevaux, qui se sont multipliés d’une manière si extraordinaire dans les pampas, servent à la nourriture des indigènes. On cite les Indiens au teint clair du Brésil, ceux du Chili, les Patagons, les Puèches, comme ayant pour cette viande une grande prédilection ; ils la préfèrent à toute autre nourriture. Les détails intéressans que nous a donnés sur ce sujet Azara dans son Histoire du Paraguay sont confirmés par les narrations des voyageurs contemporains. On trouve encore des chevaux vivant en liberté dans quelques îles de l’Amérique. Aux îles Malouines, ils sont chassés pour leur chair, non seulement par les naturels, dont elle est un des alimens habituels et préférés, mais souvent par les navigateurs, heureux de s’en nourrir dans leurs relâches. Elle a été surtout d’une grande ressource en 1820 pour les officiers et l’équipage de l’Uranie, obligés, par le naufrage de ce bâtiment, de séjourner plusieurs mois aux Malouines durant l’expédition autour du monde commandée par M. de Freycinet. D’après une note remise à M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, par M. Guinard, les chevaux sauvages des Malouines sont très bons, mais les poulains sont meilleurs que les adultes. « Beaucoup d’entre nous, dit ce voyageur, les préféraient aux oies du pays[1]. »

Dans l’Australie, on ne se borne pas à consommer la viande de cheval, on prépare les animaux en vue de cette destination. Les Australiens, écrit Marsden, estiment la chair de leurs chevaux comme le mets le plus délicieux ; ils les nourrissent avec soin, leur donnent des grains et les tiennent toujours proprement.

Du temps des Romains, l’usage de la viande des solipèdes s’était introduit de l’Afrique en Europe. Pline nous apprend que Mécène établit l’usage de manger les ânons, qui, à son époque, étaient préférés aux onagres. Après sa mort, ce mets perdit faveur, et il céda la place aux onagres de lait. Avant Mécène, on ne mangeait que les ânes adultes ; il établit l’usage de manger les ânons domestiques, et on renchérit sur lui en abandonnant l’ânon pour l’onagre de lait. On sait que de nos jours la chair de l’âne entre dans la confection des saucissons les plus renommés que l’on fabrique en Italie.

Nous pouvons invoquer des faits plus concluans en faveur de la consommation de la viande de cheval dans la partie du monde que

  1. Lettres sur les substances alimentaires et particulièrement sur la viande de cheval, par M. Isidore Geoffroy Saint-Hilaire, p. 97.