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mente ; ce sont d’abord les plus mauvais chevaux qu’on sacrifie, ensuite ceux qu’on tenait le plus à conserver, et qui sont les meilleurs pour la consommation comme ils étaient les meilleurs pour le travail.


III.

Peu de questions agronomiques ont été plus controversées que celle de la comparaison du cheval et du bœuf au point de vue de leur utilisation en agriculture, de leurs avantages et de leurs inconvéniens. L’un et l’autre ont eu leurs partisans ; des agronomes également compétens, des praticiens expérimentés, des économistes judicieux, soutiennent, les uns qu’il n’y a pas d’agriculture lucrative sans le cheval, les autres que le bœuf seul est capable d’exécuter économiquement les travaux des fermes. On a reproché au cheval d’exiger des alimens chers, des harnais compliqués, d’un entretien dispendieux, qui nécessitent l’emploi d’ouvriers étrangers à la ferme ; on lui reproche surtout de ne donner que son travail, d’avoir une grande valeur commerciale et de stériliser en quelque sorte un capital considérable, enfin d’être sans valeur après sa mort. On ajoute que, si pendant la vie il lui arrive un accident, s’il se casse une jambe ou s’il perd la vue, ce qui est assez fréquent dans quelques provinces, il est complètement perdu pour le propriétaire. Au lieu d’augmenter de valeur en travaillant et à mesure qu’il vieillit, il en perd. Il faut qu’il gagne par son travail seul pour payer sa nourriture, le maréchal, le bourrelier, et pour amortir le capital qu’il représente. À ces différens points de vue, les animaux de l’espèce bovine lui sont supérieurs. Le principal avantage qu’il présente, c’est qu’il a des allures rapides, et qu’il peut faire dans un temps donné plus de travail qu’un bœuf de même force.

Cette comparaison explique pourquoi on considère l’espèce bovine comme supérieure à l’espèce chevaline pour les contrées montagneuses et pour les exploitations rurales pauvres en fourrages. Pour la petite culture, la vache est même préférable au bœuf. Quand il n’y a pas de travaux à exécuter, elle paie son entretien par son veau ou par son lait ; il n’y a jamais une ration perdue. Si elle ne rend pas des services, elle crée des produits utiles. C’est par excellence un animal à la fois auxiliaire et alimentaire. Le bœuf lui-même ne lui est pas comparable. Dans beaucoup de fermes, il n’est qu’auxiliaire ; c’est le serviteur sobre et robuste du laboureur, tandis que dans d’autres son rôle se réduit à transformer en viande des végétaux, ici l’herbe des pâturages, ailleurs les produits récoltés.