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être la ville de ce nom tint la place de leur capitale, Cholmogor. Leur pays devint tributaire de la Russie dès le xie siècle, et il dépendait certainement de Novogorod vers la fin du xiiie. Jusqu’au commencement de cette dernière époque, les rapports avaient été très fréquens entre eux et les peuples scandinaves, rapports de navigation et de commerce. Des côtes de l’Islande, république pendant quatre cents ans florissante, de celles de la Norvège, du Danemark, de la Suède, partaient chaque printemps de hardis explorateurs, moitié commerçans, moitié pirates. Sous les noms redoutés de Vikings, de Northmans et de Danois, ils pénétraient par l’embouchure des grands fleuves sur tout le littoral de l’Europe ; dans quelque île intérieure, ils établissaient un poste d’où ils étendaient, suivant les occasions, leurs ravages ou leur trafic, car chacune de leurs embarcations portait toujours au départ une petite cargaison pour servir aux échanges. De même les Phéniciens de l’antiquité, par qui s’inaugura le commerce destiné à nouer les premières relations entre l’Orient et l’Occident, exerçaient, comme on le voit dans Homère, la piraterie en même temps que le négoce. Le pays des Biarmes paraît avoir été pour les Scandinaves un marché très fructueux, d’où ils tiraient des pelleteries et des fourrures, mais aussi des objets fabriqués et de riches étoffes, produits sans doute de l’industrie byzantine. Une des sagas norvégiennes, celle d’Olaf le saint, raconte dans une page intéressante une des principales expéditions de ces hommes du nord en Biarmie. Au printemps de l’année 1026, Karle de Langö et Thore Hund firent voile de Throndhiem avec un équipage d’une centaine d’hommes. Ce voyage était entrepris à frais communs avec le roi, et le gain devait en être également partagé entre les associés. Arrivé à l’embouchure de la Dvina, on remonta le fleuve jusqu’à la capitale, et on se mit en rapport avec les habitans. On leur acheta du petit-gris, des peaux de castor, de la martre-zibeline. Une fois le marché clos, Thore Hund demande à ses compagnons s’ils n’avaient pas envie de se procurer par d’autres moyens des objets précieux : il y aurait sans doute quelques dangers à courir, mais d’autant plus de profit. « C’est la coutume chez les Biarmes, dit-il, qu’à la mort d’un homme riche on réserve un tiers ou moitié de ses plus beaux objets mobiliers pour les ensevelir en son honneur dans le tertre où il doit reposer, au fond d’un bois. Trouvons quelqu’une de ces riches sépultures et pillons-la ! » L’avis fut adopté. Pris pour guide, Thore Hund conduisit la petite troupe pendant la nuit vers un vaste tumulus, dans une forêt. Il fallait franchir une palissade circulaire : Thore ficha sa hache le plus haut possible dans un tronc d’arbre, s’y suspendit, et, se haussant de la sorte, franchit la barrière, puis aida les autres. Ce bois contenait la célèbre idole des Biarmes, la statue du dieu Jumala. Des sentinelles veillaient jour et nuit sur