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connaissent l’économie du décret du 9 novembre[1], qui crée quatre compagnies de guerre dans chaque bataillon de la garde nationale, et fixe cinq catégories où on doit prendre successivement les hommes appelés à un service extérieur. Il est évident que cette mesure, appliquée à la lettre, eût entraîné les plus cruelles injustices. Ainsi, dans le quartier occupé depuis nombre d’années par le 18e bataillon, le décret du 6 septembre en a formé depuis deux autres, le 84e et le 193e. Appelé à fournir quatre compagnies de guerre, le 18e bataillon était obligé d’enrôler les hommes mariés de la quatrième catégorie. Composé d’anciens gardes nationaux, il comptait très peu de jeunes gens ; de plus son effectif n’était que de 1,000 hommes. Beaucoup des bataillons compris entre les numéros 1 et 51 étaient dans le même cas. Au contraire le 84e et le 193e avaient un effectif, le premier de 1,522 hommes, le second de 1,268 ; ils renfermaient en outre une bien plus grande proportion d’hommes non mariés, et ils pouvaient ainsi recruter les compagnies de marche sans dépasser la troisième catégorie. Il arrivait de la sorte que dans la même maison, sur le même palier, la loi prenait pour le service extérieur un père de famille qui n’avait que le tort d’avoir appartenu à la garde nationale avant le 6 septembre, tandis qu’elle laissait un célibataire que le hasard avait incorporé dans un des bataillons nouveaux. Les injustices de ce genre étaient sans nombre. On citait des bataillons où on avait dû prendre pour les compagnies de marche jusqu’à 300 hommes mariés, pendant que dans d’autres on formait les mêmes compagnies sans incorporer tous les célibataires [2]. La vivacité des protestations s’augmentait encore quand on voyait l’état-major réduit à ne pas armer plus de quinze bataillons qui ne prenaient dès lors aucune part à la formation des régimens de marche, quand on songeait que, faute de fusils, les cadres de la garde nationale semblaient être à peu près définitivement clos, et qu’un grand nombre de jeunes gens qui ne s’étaient jamais fait inscrire échappaient désormais à tout service.

  1. Voyez, dans la Revue du 1er décembre 1870, la Garde nationale de Paris.
  2. Voici du reste quelques chiffres qui montreront combien étaient différens les effectifs des bataillons au mois de novembre 1870 :
    44e bataillon 690 hommes. 116e bataillon 2,613 hommes.
    40e 695 117e 2,600
    31e 789 88e 2,600
    13e 844 55e 2,469
    97e 847 256e 2,422
    42e 802 111e 2,400
    25e 889 7e 2,252
    19e 917 37e 2,017
    26e 925 206e 2,002