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pour eux, on court risque de provoquer les retards. C’est, paraît-il, ce qui est arrivé quelquefois pour l’Hôtel de Ville. On sait la variété de costumes que présente la garde nationale mobilisée. Cette variété s’explique par la rareté même des étoffes ; mais elle tient aussi à ce qu’on n’a pas suivi pour les soumissions une règle commune. Ainsi certains chefs de bataillon, plus influens que les autres, ont amené les maires de leur arrondissement à traiter de gré à gré avec des entrepreneurs qu’ils leur présentaient : mesures regrettables au point de vue du bon ordre, et qui ont entraîné la livraison d’effets inacceptables. Ainsi différens ministères ont concouru avec la ville à l’habillement des nouvelles troupes. Toutefois ces interventions diverses ont eu pour résultat d’activer la mise sur le pied de guerre de compagnies qu’il était urgent d’employer à un service extérieur. Le chiffre des armes remises à la garde nationale est de 310,000, du moins tel est le nombre des fusils dont M. le colonel de Casteja a donné les bons, et que M. le colonel Staub a distribués un à un ; mais 9,000 fusils environ ont été remis par différentes autorités qui n’ont pas suivi la voie ordinaire et réglementaire de distribution ; des ministres, des maires, des officiers même, sous l’empire d’influences diverses, ont armé des bataillons, des compagnies et de simples gardes de la façon la plus irrégulière. On pourrait citer quelques cas exceptionnels où une carte d’électeur et même un papier moins important ont suffi pour faire remettre un fusil à celui qui le demandait. Au milieu des épreuves que nous traversions, ces oublis de la loi étaient inévitables. On se rappelle du reste avec quelle ardeur la foule demandait des armes. Quand on ouvrait les caisses de fusils à l’École militaire, où se faisaient les distributions, c’était un enthousiasme, une suite d’exclamations ardentes et naïves, que se figurent mal ceux qui n’ont pas assisté à de pareilles scènes. Les yeux étincelaient, les mains se levaient, l’émotion la plus exaltée se donnait libre carrière. Ce chiffre de 9,000 est certainement inférieur à celui que l’opinion publique pouvait admettre d’après les récits quotidiens de la presse. Les fusils de la garde nationale de Paris appartiennent à treize modèles différens. Les fusils à tir rapide sont au nombre de 124,000, tous réservés aux compagnies de guerre. Le bureau d’armement en a reçu 103,000 du ministre de la guerre : depuis le mois d’octobre, la transformation en a donné 21,000 ; mais, grâce aux marchés passés, cette transformation peut être activée, et atteindre le chiffre de 1,200 armes par jour. En même temps, on a enfin trouvé l’outillage nécessaire pour fabriquer des chassepots. Les difficultés de transformation comme de fabrication ont été grandes ; nos cinq fabriques d’armes sont toutes en dehors de Paris. Il a fallu s’adresser à des mécaniciens, à des