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ger, de plus l’ancien régime nous avait laissé 104 régimens dont les cadres étaient excellens, dont les soldats, déjà au service depuis plusieurs années, avaient des habitudes de discipline et une expérience qu’on pouvait proposer pour modèles aux gardes nationaux. Aujourd’hui les mobilisés ne sont qu’une armée provisoire destinée à concourir à la défense avec la ligne et la mobile ; équipés d’hier, forcés d’agir immédiatement, ils ne peuvent espérer devenir des soldats parfaits : ce qu’on doit leur demander, c’est un courage solide, un dévoûment absolu, pour suppléer par l’intelligence et l’énergie à l’expérience. On peut donc, croyons-nous, considérer désormais l’organisation des mobilisés comme définitive. En moins d’un mois, l’armée que le gouvernement avait demandée à la population de Paris a été levée presque tout entière. Ceux qui ont trouvé que cette organisation avait été trop lente n’ont pas vu d’assez près les difficultés qu’elle avait rencontrées ; ils n’ont pas eu sous les yeux des chiffres précis qui auraient dissipé leurs scrupules. On se figure peu au milieu de quelles agitations les dix bureaux de l’état-major de la garde nationale à l’Élysée sont obligés de poursuivre les travaux sérieux qui leur sont confiés. Réduits le plus souvent par les importuns et les inexpérimentés qui les assiègent sous les prétextes les plus futiles à juger des questions de personnes et des débats de second ordre, le soir arrive qu’ils ont à peine commencé leur tâche. Qu’on se souvienne du reste que l’intendance de la garde nationale a été improvisée, que jusqu’au 4 septembre elle n’a guère eu à habiller que des tambours, et qu’elle est devenue tout d’un coup une grande institution de guerre, obligée non-seulement de s’occuper des effets d’équipement, mais de pourvoir à la construction de tous ces abris qui bordent nos remparts, aux lits de camp qu’on y a installés, au chauffage de ces abris, et à un service des voitures qui n’a pas été un des moindres embarras. En même temps, elle devait partager ses attributions avec des institutions différentes, et c’étaient là encore de nouvelles causes de retard. Le bureau de l’armement n’a pu donner des fusils aux compagnies de marche qu’en les reprenant à des gardes sédentaires. Il a fallu procéder à un véritable désarmement, d’autant plus lent qu’on était obligé de compter avec les soupçons, souvent très vifs, de ceux à qui on redemandait leurs fusils, avec les mille irrégularités qui s’étaient produites au début lors de la première distribution. On a vu que le désir d’éviter toute injustice avait contraint le bureau des opérations militaires d’attendre parfois jusqu’au troisième remaniement d’une compagnie avant d’en arrêter l’effectif. Sans entrer dans plus de détails, n’est-il pas évident que, dans des lenteurs qu’on exagère avec une grande légèreté, il faut faire une part aux