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faire plus ? était-il opportun de l’essayer ? Au lendemain du 4 septembre, l’on ne pouvait songer à limiter le droit d’élection dans la garde nationale. Quel état-major au demeurant eût voulu se charger de choisir 28,000 officiers en quelques heures ? Il fallait laisser à la liberté populaire le soin de faire ces choix à ses risques et périls. Les votes ont eu les résultats qu’on devait attendre. Un certain nombre, on l’avouera sans peine, enlevés par acclamation dans les clubs, ont été déplorables, et cela est vrai non-seulement de la garde sédentaire, mais des bataillons de marche, bien que dans ceux-ci les choix aient été meilleurs. On n’a rien dit dans ces derniers mois des inconvéniens du suffrage pour la nomination des chefs dans l’armée qui puisse se comparer à l’énergie et à la franchise des généraux de la république chargés, eux aussi, de conduire au feu des gardes nationaux. « Le mode d’élection qu’on a observé pour la nomination des officiers, écrivait Wimpffen à la fin de 91, a produit les résultats les plus malheureux et même les plus ridicules ; ce sont les intrigans, les grands parleurs et surtout les grands buveurs qui l’ont emporté dans la concurrence sur les gens capables, » et Biron ajoutait au mois d’août 92 : « La composition de leurs officiers rend presque impossible qu’ils soient bons ; l’intérêt des élections est destructif de tout respect pour les supérieurs et de toute fermeté envers les subordonnés. Il est rare que ces officiers jouissent de quelque considération dans leur troupe, et qu’ils soient obéis. » Tous les chefs militaires sont unanimes sur ce point, et en 1793 Dubois-Crancé, rapporteur de la loi d’amalgame devant la convention, est réduit à dire sur le même sujet : « On cite les choix du peuple, les erreurs des corps électoraux, j’en gémis depuis longtemps. » L’assemblée arrêta qu’un tiers des grades serait donné à l’ancienneté, et qu’on ne nommerait plus à l’élection que jusqu’au grade de capitaine. Sans modifier la loi aujourd’hui en vigueur, l’état-major pense sans doute qu’il est suffisamment armé contre les choix qui peuvent compromettre la dignité et la sécurité de l’armée. À côté des conseils de guerre qui notent d’infamie les plus coupables, il peut provoquer la révocation par le gouverneur de Paris, ou prononcer lui-même la cassation pour les simples sous-officiers. Il a aussi le devoir, dont il donne l’exemple aux commandans divisionnaires, d’exiger la démission des chefs dont le passé est peu honorable. Grâce à cette fermeté, il corrige en bien des cas les défauts inhérens à des élections souvent peu éclairées. Si les régimens de marche de Paris sont destinés à un service de courte durée, il est douteux qu’on introduise dans la loi sur la nomination aux grades d’autres articles restrictifs ; mais si cette armée doit tenir campagne longtemps et