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de 2,000 à 2,800 mètres étaient chargés d’animaux ; ils tombèrent aux mains de M. Alphonse Milne Edwards, qui reconnut plusieurs polypiers et différens mollusques complètement fixés. Il y avait une sorte d’huître (Ostrea cochlear) que les corailleurs pèchent ordinairement à 100 ou 150 mètres, des mollusques du genre des peignes, d’autres de la classe des gastéropodes réputés très rares, et des polypiers du genre caryophyllie. L’un de ces derniers avait été signalé précédemment à l’état fossile dans le terrain supérieur du Piémont et de la Sicile ; une seconde espèce qu’on n’avait pas encore observée vivante parut identique avec un fossile d’Algérie ; enfin un autre polypier ne se rapportait à aucune forme connue.

Des faits inattendus et pleins d’enseignement venaient d’être mis au jour d’une façon presque accidentelle. Ces faits, encore isolés et peu nombreux, avaient une importance capable de frapper tous les yeux : ils renversaient des idées fausses, et, dans des proportions déjà très sensibles, ils élargissaient le champ des connaissances humaines. C’était le début d’un nouveau chapitre de l’histoire du monde physique. On avait la certitude d’obtenir des résultats de la plus haute portée en poursuivant avec méthode les explorations du lit de l’Océan ; c’est alors que des naturalistes, voyant en espérance les découvertes se succéder, commencèrent à se mettre à l’œuvre. L’Association britannique, instituée pour le progrès des sciences, forma un comité qui reçut la mission de poursuivre des recherches sur les fonds de la mer. M. Gwyn-Jeffryes fut l’organisateur actif et habile de l’entreprise. Pendant les premières années, les moyens dont on disposait étaient encore faibles ; mais on sut en tirer bon parti, et la voie fut préparée pour des travaux plus difficiles.

La première pensée qui s’offrit fut de reprendre dans des conditions nouvelles l’étude de la flore et de la faune des mers britanniques. Sur les côtes de Cornouaille et de Devon, on promena la drague jusqu’à la distance de 20 milles (environ 37 kilomètres) du rivage, en des endroits où la profondeur n’excède pas une cinquantaine de brasses. Cette exploration ne pouvait guère jeter de lumière que sur la distribution géographique des espèces, mais ce résultat ne fit pas défaut. Outre la plupart des animaux déjà observés sur les côtes d’Angleterre, on recueillit des espèces regardées jusqu’alors comme propres aux régions arctiques et quelques-unes aux parties méridionales de l’Europe. Ces dernières n’offraient pas de différence sensible avec les individus qu’on pêche dans la Méditerranée, tandis que les premières, par la taille et par la coloration, présentaient tous les caractères d’un appauvrissement. À cette remarque intéressante s’ajouta l’observation curieuse que les animaux