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fils du célèbre naturaliste de Bergon, chargé par le gouvernement suédois d’inspecter les établissemens de pêche, a exploré avec un grand soin les pâturages des îles Lofoten. À la profondeur de 250 à 600 brasses, où règne une température d’environ 4 degrés, il a recueilli des multitudes d’animaux qui offrent le plus grand intérêt pour la zoologie. Aux îles de Guldbrand près de la pêcherie de Skraaven, située au 68°11’ de latitude nord, une encrine ou lis de pierre d’un nouveau genre fut prise par la drague ; on la retrouva les années suivantes au voisinage des îles Lofoten à des profondeurs variant entre 80 et 300 brasses[1], c’est-à-dire 150 et 560 mètres, et l’on put en réunir 75 individus, qui ont été de la part de Michael Sars l’objet d’une belle étude[2]. La découverte de ce type au-delà du cercle polaire est d’une extrême importance. Les encrines, animaux radiaires qui demeurent attachés au fond de la mer par un long pédicule, étaient en nombre prodigieux pendant les anciennes périodes géologiques ; elles furent moins abondantes aux époques plus rapprochées de l’âge moderne. Quelques espèces vivantes d’un genre particulier (Pentracrinus) ont été trouvées dans la mer des Antilles et dans l’Océan-Pacifique. D’autre part, on a découvert que les beaux zoophytes désignés sous les noms de comatules et d'antedons avaient au début de la vie tous les caractères essentiels des encrines. Cette forme infiniment gracieuse est donc une forme de larve ; mais il paraît certain que le développement chez les espèces éteintes, ainsi que chez plusieurs espèces ; actuellement vivantes, s’arrête avant d’être parvenu au terme de la perfection assignée par la nature à d’autres représentans du même groupe. L’encrine de Lofoten (Rhizocrinus lofotensis) est toute petite en comparaison de celle des Antilles : les individus recueillis ne dépassaient pas la hauteur de 8 centimètres, et chez un seul on put apercevoir des traces d’organes de reproduction. De telles circonstances pourraient peut-être donner à craindre que l’animal n’ait pas été vu dans son état adulte ; mais Sars s’est efforcé de réagir contre le doute en se fondant sur ce fait que tous les individus plus ou moins développés pris en différentes saisons ont présenté invariablement les mêmes caractères. La question mérite en effet d’être fixée, car le rhizocrine se rattache par les traits de conformation à une famille (Apiocrinites) dont les espèces éteintes appartiennent à de très anciennes formations géologiques, et, s’il est vraiment adulte, sa présence dans les mers actuelles devient plus instructive.

Le gouvernement suédois a beaucoup favorisé les études des fonds

  1. Il s’agit ici de la brasse danoise favn, répondant à 1m,8829 et par conséquent très peu différente de la brasse anglaise.
  2. Mémoire pour la connaissance des Crinoïdes vivans (Rhizocrinus lofotensis). — Christiania, 1868