Page:Revue des Deux Mondes - 1871 - tome 91.djvu/369

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des travaux pour déterminer la profondeur du gulf-stream, la direction du courant, la température des eaux, M. F. de Pourtalès prit part aux expéditions dans le dessein de faire une étude de la faune sur les fonds compris entre la Floride et la Havane. Les premières opérations eurent lieu sur le bord du gulf-stream du côté de la Floride à des profondeurs qui n’excédaient pas 90 à 100 brasses. On récolta une foule d’animaux d’espèces inconnues. Les recherches furent dirigées ensuite sur des points plus rapprochés de la Havane, où le fond se trouvait à des distances de 250 à 500 brasses (environ 450 à 900 mètres). Dans les plus grandes profondeurs qui aient été atteintes par la drague, on trouva la vase remplie de foraminifères et surtout de globigérines, qui paraît couvrir une très grande étendue du lit de l’Océan, et avec cette vase l’abondance de la vie animale déjà constatée dans les mers d’Europe, mais représentée en général par des formes particulières.

Si plusieurs de ces espèces étaient déjà inscrites dans les inventaires de la nature, c’est que parfois des individus isolés, jetés près des rivages au moment de la tempête, avaient été recueillis. Comme exemple curieux, une magnifique coquille du genre des volutes peut être citée. La volute queue de paon (Voluta junonia), signalée pour la première fois en 1780, est demeurée si rare depuis cette époque, que récemment encore un beau spécimen n’aurait sans doute pu être acquis à moins de 1,000 ou 1,500 francs. La fameuse volute si estimée des amateurs a été prise en abondance sur la station qu’elle habite : le lit du gulf-stream. Les précieuses collections formées par M. de Pourtalès pendant les campagnes scientifiques de 1867 et de 1868 ayant été portées au musée de Cambridge, M. Agassiz, fort émerveillé en voyant un pareil ensemble de productions naturelles, resta surtout frappé du caractère d’une foule d’animaux qui ont une ressemblance plus grande avec les types de la période crétacée tertiaire qu’avec les espèces actuellement vivantes sur le littoral. L’éminent naturaliste reconnaissait une vérité déjà mise en lumière à son insu par les observations faites en Europe, et il se persuadait justement que le gulf-stream possède une faune bien distincte de celle des autres parties de l’Océan. Ici, comme dans le canal des îles Féroe, l’influence de la température sur la distribution de la vie animale est manifeste.

En 1869, les études des hydrographes américains devaient porter sur un point du grand courant atlantique, situé un peu à l’est, entre la Havane et la Floride ; M. de Pourtalès continua les explorations à la drague avec le même succès que les années précédentes, et M. Agassiz, qui s’était joint à l’expédition, a tracé le tableau de la scène, « La profusion et la variété de la vie animale en cet