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est d’un trop grand prix dans les circonstances nouvelles où la guerre est maintenant entrée. Le système du blocus était bon quand la France paraissait endormie, quand les lignes assiégeantes n’avaient à redouter qui l’effort de la place, les attaques de la garnison, et tout au plus, comme offensive extérieure, des escarmouches isolées : tandis qu’aujourd’hui songez donc que ces lignes sont menacées de quatre côtés à la fois et par de vraies armées qui, bien qu’éloignés encore, vont en grossissant chaque jour dans une tout autre proportion que les renforts arrivant d’Allemagne ; songez que si ces armées, ou seulement une d’elles, cessent d’être contenues par les forces allemandes détachées de l’investissement et à peine suffisantes à les tenir en échec, pour peu qu’elles fassent une pointe hardie, les lignes assiégeantes sont prises entre deux feux. C’est donc un état critique : il faut en sortir à tout prix. Pas un moment à perdre : tout tenter, tout risquer et porter les grands coups. De là l’infernale avalanche qui tombe aujourd’hui sur Paris, de là ce bombardement convulsif et précipité.

Or vous croyez peut-être que les conseillers de cet acte féroce le tiennent pour efficace, militairement parlant, qu’ils se font illusion sur l’action de leurs bombes, et pensent que nos remparts, au bruit des canons Krùpp, doivent tomber en poudre comme les murs de Jéricho ? Non, froidement ils en conviennent, et cette Gazette est leur écho, l’effet matériel pourra bien être nul, mais c’est l’effet moral qui seul les préoccupe. Leur tir est à ricochet, à ricochet psychologique, pour emprunter leur jargon. Ce qu’ils veulent nous lancer sous la forme d’obus, c’est la sédition, la révolte, la fureur populaire, le meurtre, l’incendie : voilà leur ambition, leur gloire ; voilà les trophées qu’ils rêvent. Aussi voyez comme elle aspire, cette Gazette, au moment où « les masses ouvrières et populaires des faubourgs viendront demander l’hospitalité aux habitans plus aisés du centre de la ville, » comme, en particulier, il lui serait agréable que le « faubourg émeutier de Belleville » voulût faire ce déménagement, comme elle se désespère qu’il soit « encore hors de portée, » et qu’on ne puisse établir, sans dépenser trop d’hommes et trop de temps, les batteries qui pourraient l’atteindre. Est-ce de l’ivresse ? est-ce de la rage ? Que veulent-ils, ces gens-là ? Faire peur ou massacrer ? Sont-ils des croquemitaines ou sont-ils des bourreaux ? Je voudrais les croire charlatans ; mais non vraiment, c’est tout de bon qu’ils « se ruent contre nous pour la vie ou la mort. » Ils sont aussi haineux qu’ils le veulent paraître, et cette autre Gazette qui renchérit sur celle de Silésie, la Nouvelle Gazette de Prusse, nous en donne entre mille une lamentable preuve. C’est à propos du combat de Nuits, victoire d’un genre nouveau qui a fait si promptement reculer le vainqueur. Vous l’avez lue, cette diatribe sanguinaire, ou plutôt vous n’en avez pas cru vos yeux. C’est un degré de barbarie qui touche à la démence, La guerre pour ces furieux « ne prendra fin que par l’extermi-