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pouvaient offrir de ressources le sol et le climat. Sur des pentes abruptes et presque verticales, de petits murs en pierres sèches s’efforcent de retenir une mince couche de terre végétale ; malgré ces précautions, les grandes pluies de l’hiver et les vents de l’été en emportent une partie jusqu’au fond de la vallée ; sans jamais se lasser, hommes, femmes, enfans, travaillent sans relâche à réparer ces dégâts. Que de fois, admirant la patience de ces sobres et tenaces montagnards, je les ai suivis des yeux pendant qu’ils allaient ainsi lentement, le dos courbé sous leurs hottes pleines, gravissant des sentiers sablonneux ou d’étroits escaliers taillés à même la roche qui leur renvoyait toutes les ardeurs du soleil ! Au bout de quelques années, il n’est peut-être pas une parcelle du terrain, dans chacun de ces petits champs, qui n’ait fait plusieurs fois le voyage, qui n’ait glissé jusqu’au bord du torrent pour être ensuite ramenée, pelletée par pelletée, sur une des terrasses supérieures. Ces sacrifices sont récompensés. Le long du ruisseau, là où les côtes s’écartent et laissent entre elles un peu d’espace, l’eau, soigneusement ménagée, mesurée par heures et par minutes à chaque propriétaire, court bruyante et claire dans les rigoles ; elle arrose des vergers où croissent, suivant les lieux, soit l’oranger, le citronnier et le grenadier, soit les arbres de nos climats tempérés, le pêcher, le pommier et le poirier ; à leur ombre grossissent la fève et l’énorme courge. Plus haut, sur les versans les moins raides et les moins pierreux, là où la légère charrue inventée par Triptolème a trouvé assez de place pour tracer le sillon, l’orge et le seigle verdissent au printemps, et, dans les bonnes années, profitent pour mûrir des tardifs soleils d’automne. Ce qui d’ailleurs réussit le mieux dans ces montagnes, ce qui paie vraiment les habitans de leurs peines, c’est l’olivier, dont les puissantes racines étreignent le roc et semblent faire corps avec lui, c’est la vigne, qui, d’étage en étage, grimpe presque jusqu’aux sommets. À l’un et à l’autre, pour donner une huile et un vin qui seraient les plus savoureux du monde, s’ils étaient mieux préparés, il suffit de beaucoup de soleil, d’un peu de terre, et de quelques coups de hoyau qui viennent à propos ameublir le sol et le dégager des plantes parasites.

C’est ainsi que dans l’Attique, au temps de sa prospérité, même les cantons aujourd’hui les plus déserts et les plus stériles devaient être habités et cultivés. Sur beaucoup de ces croupes où le roc affleure presque partout, où verdit à peine, aux premiers jours du printemps, une herbe courte, diaprée d’anémones et de cistes, qui jaunira dès le mois de mai, il y avait jadis une couche plus épaisse de terre végétale. Dans les ravins, là où j’ai perdu plus d’une fois mon chemin en poursuivant la perdrix rouge ou la bécasse à tra-