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faite et la chute de l’empire, c’est contre la nation que la guerre se poursuit et avec une affectation singulière autant qu’inattendue. Le but de la guerre a été dépassé à mesure que le succès a favorisé l’ennemi. Le général de Falkenstein le déclarait au maire de Pontoise : « Que voulez-vous, monsieur ? en guerre il y a un droit qui prime tout, c’est celui de la force. » Ce n’était point là le langage de Gustave-Adolphe.

Toutes les maximes tutélaires du droit des gens européen sont donc oubliées aujourd’hui ; l’expiation cruelle infligée à la ville de Paris, à la capitale de la France, comme responsable d’une guerre que sa population sensée a hautement blâmée, est une grande iniquité publique. Le ministère qui a trompé la France a été condamné par un vote unanime de la chambre ; le gouvernement lui-même auquel revenait la responsabilité première d’une folle agression est tombé devant la colère affolée de Paris le 4 septembre. En présence de ces deux événemens, les hostilités devaient cesser. Ainsi le conseillaient l’équité, le droit rigoureux et la bonne politique. Après Sedan, toute l’Europe a cru la guerre terminée. La Prusse pouvait faire à Ferrières une paix triomphante et magnanime ; il en fut resté pour la France la mémorable leçon de mieux surveiller à l’avenir la direction de ses affaires. Une passion fatale a conseillé le contraire, et l’on se rappelle malgré soi le mot que les Anglais racontent de Blücher, contemplant la ville de Londres du haut de la coupole de Saint-Paul : quelle proie ! Quoi qu’il en advienne les votes énergiques de la représentation parisienne à la chambre des députés, dans la séance du 15 juillet dernier, demeurent comme la protestation de l’histoire contre les violences dont Paris a été victime. Un sentiment de dignité nous ferme la bouche à cet égard ; bornons-nous à la discussion du droit de la guerre. Le bombardement, pratiqué autrement que comme moyen de destruction d’ouvrages fortifiés, est un moyen odieux, réprouvé aujourd’hui par les publicistes les plus autorisés. Il frappe une classe de la population que les lois de la guerre civilisée affranchissent des conséquences des hostilités. Voyez l’état officiel des victimes du bombardement de Paris ; la majorité est composée de femmes, d’infirmes et d’enfans. Le bombardement n’est plus une arme de guerre de notre temps. M. Pasq. Fiore, le généreux et savant auteur d’un Traité du droit international qui a fait sensation en Europe, se prononce avec force pour cette doctrine, qui n’a trouvé que des approbateurs, Au point de vue de l’influence morale, le bombardement de Paris a produit un effet contraire à celui qu’attendait l’ennemi. N’était la question des subsistances, le bombardement eût décidé Paris à s’enterrer sous ses ruines. Je sais que le bombardement et la destruction de Paris ont été demandés à grands cris par la presse allemande.