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un avertissement spécial et précis, précédé d’une sommation à terme fixe, que l’assiégé doit recevoir la notification d’un bombardement prochain, non par une menace indéterminée et vague, et cette notification est adressée par le commandant militaire des forces assiégeantes au commandant militaire de la ville assiégée. Or rien de pareil n’est arrivé de l’état-major de Versailles à l’état-major de la place de Paris. Cette procédure militaire est du genre de celle qui est suivie pour les notifications du blocus. Je n’ajouterai point que l’omission de l’avis préalable implique une impolitesse nationale, indépendamment des effets déplorables qui en sont le résultat.

Je ne voudrais point passionner la discussion en examinant les conséquences des deux façons diverses de procéder par rapport au bombardement de la ville de Paris. Les faits accomplis ne sont que trop connus et trop regrettables ; mais au nom de l’humanité, au nom de la science, au nom du bon sens public, je ne saurais assez protester contre la violation de toutes les règles du droit des gens, qui, depuis Grotius jusqu’à Heffter et Bluntschli, ont constamment garanti du feu des assiégeans les hospices, les églises, les collèges, les collections scientifiques, les monumens des arts. Tous ces établissemens sont indiqués en gros caractères sur les plans les plus vulgaires de Paris, et aucun de ces édifices n’a été respecté par les bombes prussiennes, qui ont semblé même s’acharner sur quelques-uns : l’hospice Sainte-Anne a reçu trente projectiles, le Val-de-Grâce en a été couvert. Des procès-verbaux constatent ces excès, et nous ne pouvons accepter, comme réponse satisfaisante aux protestations du gouvernement français, l’allégation de « bombes égarées, » raison qui n’a pas de valeur en présence de la multiplicité des coups, de la persistance du tir après les réclamations, et de la destruction évidemment préméditée des serres et des salles du Muséum d’histoire naturelle, lequel a été l’objet d’un feu nourri et continu. Je renvoie mes lecteurs à ce qu’écrit à ce sujet M. Wheaton, qui a laissé un renom si bien établi à la cour de Prusse, auprès de laquelle il a été pendant longtemps ministre des États-Unis. Ce n’est pas lui qui eût signé les lignes si étranges qu’on attribue à M. Bancroft, son successeur. Les dévastations du Muséum n’ont pas d’excuse admissible ; le peuple qui les a commises ne pourra les expliquer devant l’Europe civilisée, et l’histoire des sciences en gardera l’ineffaçable souvenir.

Les exécutions militaires accomplies sur les villages de Cherizy et de Houdan, près de Dreux, ne seraient pas croyables, si elles n’étaient attestées par un témoin oculaire, digne de toute confiance, M. le pasteur Cailliatte. Cherizy avait été frappé d’une réquisition, fournie à grand’peine, lorsque la troupe prussienne qui l’avait exigée fut attaquée à quelque distance par des francs-tireurs