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conseils de guerre, et à 300 lieues de leur patrie, les aéronautes échoués en pays occupé par l’ennemi, comme si en pareil cas il y avait une autre analogie applicable que celle des naufragés, ou celle des contrevenans à la déclaration de blocus, c’est-à-dire la peine d’être retenus comme prisonniers de guerre ? La mise des francs-tireurs hors la loi de la guerre n’était pas mieux fondée. Ce n’est que depuis qu’ils s’étaient fait craindre qu’on les avait admis à la participation du droit commun.

Quant à cette autre résolution de ne considérer comme légitimes belligérans que les individus revêtus d’uniforme, elle est absurde dans une guerre d’invasion et de bombardement, où le bourgeois, le paysan, l’ouvrier, sont atteints dans leurs foyers, obligés de garantir leur champ, leur maison, de défendre leur pain et leur argent contre un assaillant armé d’obus et de réquisitions de tout genre. Un peuple envahi et bombardé est mis individuellement dans le cas de légitime défense ; chacun de ses membres est soldat et doit être traité comme tel. La Prusse n’a-t-elle pas fait appel elle-même à cette participation de tous ses sujets à la résistance et aux hostilités ? On a produit les édits prussiens de 1813, qui exaltaient alors ce qu’ils condamnent aujourd’hui. Je citerai un autre exemple de son histoire, et je le prends dans la guerre de trente ans de Schiller. On y trouve que a l’électeur de Brandebourg, sans armée pour défendre son pays,… publia un édit par lequel il ordonnait à ses sujets de repousser la force par la force, et de tuer sans ménagement tout soldat impérial surpris en rase campagne. Les vexations étaient arrivées à ce point et la détresse du gouvernement était telle qu’il ne restait plus au souverain que la ressource désespérée de légitimer la vengeance personnelle. » Qui a donné l’exemple aujourd’hui même d’armer une nation entière, non pour défendre son territoire, mais pour la jeter, la ruer, comme on a dit, sur une autre nation, et prendre part à une sorte de mêlée générale ? N’est-ce pas la Prusse, n’est-ce pas l’Allemagne ? Les populations errantes de l’Asie procèdent-elles autrement que de se ruer en masses plus ou moins bien disciplinées sur des peuples voisins ? La discipline intérieure et trop vantée des armées allemandes change-t-elle le caractère de l’invasion ? La landwehr et le lundsturm ne devaient avoir d’emploi, d’après le droit du pays, que pour la défense du sol allemand. La Prusse les conduit à l’invasion extérieure ; c’est un peuple qu’elle précipite sur un autre pour l’écraser. Le peuple envahi use donc d’un droit naturel en se défendant par l’arme de tous les citoyens, et quand l’arme n’a été prise que pour la défense du sol natal, du foyer, de la famille, de la propriété, immoler froidement celui qui la porte après l’avoir désarmé, c’est un acte de cruauté qu’aucun sophisme ne peut excuser, c’est un assassinat. Le malheureux ha-