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neurs de Paris aux étrangers ; l’empereur régalait, Paris payait. Toutes les questions municipales lui paraissaient, à cause de l’immensité des intérêts engagés, des questions politiques. Conséquent dans ses idées, il voulait qu’on remît au gouvernement seul la nomination du conseil municipal de Paris, puis il avait toujours demandé et il avait fini par obtenir en 1869 que le budget de Paris fût voté par le corps législatif ; si on l’eût écouté, le préfet de la Seine fût devenu ministre, ayant pour conseillers municipaux les députés élus par toute la France, hormis Paris, cette grande ville perdant tous les droits d’une commune pour n’être plus que capitale.

Le siège de Paris a répondu à M. Haussmann. Ils sont partis, les étrangers, les dignitaires, les fonctionnaires, les gens de plaisir, les nomades. Les vrais habitans de Paris sont restés seuls. Ils avaient été isolés, séparés, chassés de quartier en quartier, privés de tout droit, de tout concert depuis vingt ans. La vie municipale n’était cependant pas tarie ; elle est sortie de nos épreuves comme le vin du pressoir. Deux ou trois armées se sont levées dans chacun des arrondissemens de la ville, armée des gardes nationaux contre l’ennemi, armée des bons cœurs contre la misère, armée des honnêtes gens contre les bohémiens et les perturbateurs politiques. À peu près sans gouvernement, sans préfet, sans police, sans prison, la population de Paris, pendant trois mois, aura fait la guerre, conservé la paix, donné des preuves admirables de courage, de bon sens, de patience et d’union. On ne pourra plus refuser des droits à des gens qui auront ainsi compris le devoir.

Peu de jours avant la guerre, le corps législatif discutait le budget de Paris aux termes de la loi du 18 avril 1869, qui avait chargé la province d’administrer la capitale. Le second rapport de M. Lepelletier d’Aulnay sur le budget de 1870 porte la date du 11 juillet ; on n’avait pas voté sur ses conclusions après le sixième mois de l’exercice. Le système conseillé par M. Haussmann sort condamné de cette épreuve, comme sa théorie sur les gens de Paris ne se relèvera pas de la glorieuse et triste expérience du siège. La loi de 1869, qui consacrait une exception énorme aux règles générales du droit français en matière d’administration communale, a conduit en même temps à des difficultés pratiques à peu près insurmontables. — Retard si considérable à cause des autres travaux du corps législatif qu’il a fallu voter des douzièmes provisoires sans discussion pour les sept premiers mois de l’exercice ; division arbitraire entre les dépenses ordinaires et les dépenses extraordinaires ; incompétence des députés des départemens, ne sachant comment choisir entre les rues, les boulevards et les édifices d’une ville qu’ils n’habitent pas ; irritation des Parisiens, obligés d’aller défendre leurs intérêts à la hâte devant des députés de Troyes ou de