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On se plie à tout par l’habitude, même à être bombardé. Nos gardes nationaux n’ont pas bronché un moment devant les projectiles qui leur arrivaient dru comme grêle. C’est à peine si, sur quelques points, à la porte de Saint-Cloud par exemple, les postes ont dû déménager et reculer dès les premiers jours vers le viaduc d’Auteuil, à son tour bien ébréché depuis, leurs sentinelles et leurs corps de garde. À leurs pièces, sur les bastions, nos canonniers n’ont pas sourcillé ; aux ponts-levis de l’enceinte, points de mire de l’ennemi, nos portiers-consignes ont donné à tous l’exemple du courage et du sang-froid. Nos commandans de secteur ont continué aux remparts leurs visites accoutumées, et les officiers ont imité l’exemple de leurs chefs.

Il ne faudrait pas croire qu’il n’y ait eu aucune perte à déplorer ; des canonniers, des factionnaires, des passans sur la rue du rempart ont été tués ou blessés. Tout le long du 6e secteur, du bastion 62 à la Seine, d’Auteuil au Point-du-Jour, le mur d’enceinte a été criblé d’obus ; au-delà quelques terrassemens ont été bouleversés ; quelques pièces ont été atteintes et même démontées, et les maisons avoisinantes n’ont pas été non plus épargnées. À la porte d’Auteuil, à la porte de Saint-Cloud, la maison qui servait de lieu de repos aux officiers d’état-major de service a été plusieurs fois visitée par les obus, heureusement en l’absence de ses locataires momentanés. À la porte de Saint-Cloud, un obus, entrant un jour par une encoignure de la chambre, est allé se loger dans la paillasse du lit de camp sans éclater. Au même endroit, les postes de la garde nationale et celui du portier-consigne ont été littéralement criblés, même à travers les sacs à terre. C’est que ce point est précisément à la rencontre du tir des batteries de Sèvres et de Meudon, et ce feu convergent ne cessait pas. En suivant la route militaire, on ne rencontre que maisons défoncées, tout ouvertes par la mitraille, et étalant à l’air leurs façades fissurées, déjetées, partout pénétrées par les obus. On dirait les effets d’un violent tremblement de terre comme on en voit sur la côte du Mexique ou du Pérou. Au cimetière d’Auteuil, un grand nombre de tombes ont été détruites, et le bois de quelques cercueils atteint. L’ennemi a tiré sur le champ des morts avec une véritable furie. Jusqu’au viaduc du Point-du-Jour, on constate les mêmes ruines, surtout sur la rue de Versailles. Il n’aurait pas été prudent de s’aventurer ici, soit dans les rues, soit en pleine campagne ; aussi a-t-on relié le bastion 66 au viaduc de la voie ferrée par un chemin couvert, en zigzags, une sorte de cheminement comme on en fait pour l’attaque des places. En somme, au point de vue militaire, l’effet produit sur ces points par le bombardement est presque nul, si les dégâts sont