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eu la suprême consolation de recevoir parmi nous un détachement de chacune de ces régions qui allaient être privées de leur capitale. Une précieuse part du sang de ces membres vivans de la patrie a reflué vers le cœur pour y prolonger la vie et en activer les pulsations. Il nous a été donné de saluer à leur arrivée ces enfans de la Picardie, de la Champagne, de la Bourgogne, de l’Auvergne, du Languedoc de l’Orléanais, de la Vendée, de la Normandie, de la Bretagne. Qu’ils étaient beaux dans leur simplicité, dans leur gravité rustique ! Les Parisiens qui ont assisté au défilé de ces bataillons en blouse que nous envoyait notre chère Francs au jour de la détresse n’oublieront jamais ce spectacle émouvant. On cherchait dans leur physionomie les traits distinctes de leur contrée, on admirait leur tenue sans jactance, je dirai presque leur modestie, qui ressemblait à du respect pour les splendeurs de cette grande capitale. Quelques-uns, les plus expansifs, disaient naïvement qu’on mourrait volontiers pour sauver une si belle ville. On admirait surtout leurs formes athlétiques et leur taille. Il semblait, comme le disait récemment ici même une plume éloquente, que le besoin de la France les eût grandis. Cette circonstance est une marque matérielle de l’origine et de la formation de la garde mobile. Cette troupe contient beaucoup d’hommes hauts de corps, larges d’épaules robustes et pleins de santé, parce qu’elle est puisée dans la population telle que l’ont faite la nature, l’air de la campagne, les travaux et les mœurs d’une vie occupée. Point de choix ni de prélèvement antérieur. La cavalerie, l’artillerie, le génie, ne sont pas venus l’écrémer, comme il arrive pour le contingent annuel de l’armée permanente. Chaque compagnie est par sa force physique même une fidèle image de son canton : les officiers se sont religieusement abstenus de toute espèce de triage. Tout au plus accorde-t-on à l’usage militaire le soin de ranger par taille les pelotons d’une compagnie.

Nous avons parlé de décentralisation ; le principe contraire présida aux destinées des volontaires de 1791 et des années suivantes. À l’engagement personnel laissé aux soins des villes succédèrent presque aussitôt les réquisitions imposées aux départemens. Après les réquisitionnaires vinrent les fédérés, dont le nom même prouvait que les traces de l’origine locale avaient disparu. La provenance des hommes ne répondait plus au titre des bataillons : des soldats du nord formaient l’effectif de bataillons du midi. L’administration des vivres et de l’équipement n’était pas moins bouleversée que celle des cadres : les bataillons de Strasbourg ou de Lille étaient censés avoir leur intendance à Grenoble ou à Montpellier. C’était un pêle-mêle universel. Le salut vint de l’incorporation des