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port l’élection populaire laisserait beaucoup à désirer. L’assemblée constituante avait poussé la logique jusque bout en soumettant à l’élection tous les magistrats, même ceux de la cour de cassation. L élection était alors à deux degrés et ne comprenait que les citoyens actifs, c’est-à-dire qui payaient à l’état une certaine contribution. Aujourd’hui, le suffrage étant direct et universel, le mécanisme en est-il tel qu’il soit possible de l’appliquer au choix de la magistrature ? On ne l’a pas supposé ; en s’attachant au principe, on a pensé qu’il fallait restreindre le corps électoral et le composer de citoyens ayant pour les choix à faire une compétence plus spéciale. C’est l’idée à laquelle s’était arrêtée la commission qui fut chargée en 1848 de préparer un projet d’organisation judiciaire, commission où figuraient des hommes distingués appartenant à la magistrature et au barreau, MM. Faustin Hélie, Nachet, Sévin, Valette, Liouvillle, Jules Favre. Toutefois les listes de présentation dressées par le corps électoral, dans lequel entraient nécessairement les tribunaux eux-mêmes, étaient remises en dernier lieu d’après les vues de cette commission, au pouvoir exécutif, qui restait chargé de la nomination des magistrats. On a proposé d’aller plus loin. À tous les degrés de la hiérarchie, un corps électoral, plus largement composé que celui de 1848, préparerait une liste de candidats sur laquelle les magistrats inférieurs seraient définitivement choisis par les magistrats supérieurs, les juges de paix par les tribunaux, les membres des tribunaux par la cour, les membres de la cour par la cour de cassation. Quant à cette cour, comme elle devait, dans la pensée de l’assemblée constituante, être placée à côté du corps législatif, dont elle est plutôt une émanation, c’est au corps législatif que reviendrait la désignation de ses membres. D’après ce projet plus radical, le recrutement de la magistrature se ferait par la magistrature elle-même sur des listes de présentation ce qui augmenterait singulièrement sa puissance. Le gouvernement serait désarmé ; il ne lui resterait que le choix des membres du parquet, qui relèvent en effet du pouvoir exécutif, et dans une mesure ont à recevoir ses instructions. Ce. projet ne s’arrêterait pas là ; il reviendrait à cette conception de l’assemblée constituante qui voulait que les présidens fussent, à tous les degrés, désignés par les tribunaux eux-mêmes et pour une courte durée, mettant ainsi entre les magistrats le stimulant d’une légitime émulation, et par la neutralisant la prépondérance excessive, que les présidens finissent par conquérir sur leurs collègues, dont ils sont cependant les égaux dans l’œuvre de la justice. Un décret du 18 septembre dernier a chargé une nouvelle commission d’étudier les réformes que réclame l’organisation actuelle des tribunaux, et de préparer un projet de loi qui serait soumis à la prochaine assem-