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nicipalités élues n’est-il pas de proclamer en son nom qu’aucune part de responsabilité ne revient aux habitans dans les malheurs qui nous frappent, que Paris a fait son devoir, tout son devoir, que les hommes mûrs sont allés à l’exercice et aux remparts, les jeunes gens aux régimens de marche et au feu, que les vieillards, les femmes les plus délicates, les enfans, les malades, ont supporté courageusement le froid, la faim, la menace des obus, et que, si tout ce dévoûment aboutit à une catastrophe, ceux-là seuls en sont responsables qui, ayant pris en main nos destinées, nous répétaient tous les jours qu’ils nous sauveraient, jusqu’au moment où ils nous ont révélé tout à coup que tout était perdu par leur faute ? Lorsqu’on apprit dans le département de la Moselle la reddition de Metz et la capitulation du maréchal Bazaine, la douleur fut immense, le désespoir unanime. On ne se découragea point cependant, l’énergie des combattans ne faiblit pas, les armes ne tombèrent d’aucune des mains qui les tenaient encore. La place de Thionville qui avait été investie quelques jours après Metz, qui continuait à se défendre lorsque sa puissante voisine succomba, qui savait que de nouveaux et plus vigoureux efforts allaient être tentés contre elle, se prépara d’autant plus à une énergique résistance. Les vivres n’y manquaient pas. Sans parler des approvisionnemens que l’intendance dirigeait sur Metz par la ligne des Ardennes, et qui ne purent dépasser la gare de Thionville quand les troupes prussiennes eurent coupé le chemin de fer dans la vallée de la Moselle, les habitans du grand-duché de Luxembourg témoignèrent la plus généreuse sympathie à leurs voisins de France en leur envoyant des vivres et des secours aussi longtemps qu’ils le purent. C’est même sur ce point que, grâce à l’activité d’un agent consulaire français et aux bonnes dispositions des autorités luxembourgeoises, grâce surtout au dévoûment de notre compagnie des chemins de fer de l’Est qui tient sous sa dépendance le chemin de Guillaume-Luxembourg, on avait accumulé à sept lieues du maréchal Bazaine assez de provisions pour ravitailler son armée et la place de Metz pendant plus d’un mois. Le commandant en chef de l’armée du Rhin, qui le savait, ne se justifiera pas d’en avoir point tenté, quand il en était temps encore, quand ses troupes avaient toute leur vigueur et toute leur discipline, le plus énergique effort pour mettre la main sur des ressources qui, en lui permettant de prolonger sa résistance et de retenir l’armée du prince Frédéric-Charles, eussent assuré le salut de notre pays. Qu’on ne l’oublie pas en effet, c’est l’armée du prince Frédéric-Charles qui nous a perdus en arrivant à temps pour arrêter la marche sur Paris de nos armées de la Loire. On nous sauvait en la retenant un mois de plus sur nos frontières de l’est, et il suffisait pour cela de faire faire sept lieues à 150,000 hommes