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cendaient dans des contrées plus tempérées. Tel fut le cas pour les Cimbres, pour les Goths, pour les Burgundes. Tant d’invasions sorties de la Scandinavie faisaient croire aux Romains que là était la grande fabrique des nations, officina gentium, comme dit Jornandès. C’est dans ces régions baltiques que s’élabora, pour ainsi parler, la nation germanique. Les Germains apparurent au centre de l’Europe à la suite des Celtes, issus de la même souche, mais constituant une autre race ; l’unité de type physique et morale n’était pas moins frappante chez eux que chez les Gaulois. Leurs nombreuses tribus s’étaient distribuées tant dans le nord de l’Allemagne que dans la Chersonèse cimbrique et la presqu’île Scandinave. Aussi belliqueux que leurs voisins d’au-delà du Rhin, les Germains étaient plus barbares, et, au lieu de s’être attachés au sol, ils gardaient au commencement de notre ère les habitudes nomades qui s’étaient perdues chez les Celtes. Un climat plus âpre et une vie plus précaire les avaient davantage endurcis aux fatigues de la guerre ; subsistant surtout de chasse et du produit de leurs bestiaux, ils n’avaient point de villes et de demeures fixes ; ils étaient naturellement enclins à quitter leur patrie pour des cantons plus favorisés de la Providence. La Gaule excita dès lors leur convoitise ; ils tendaient à se rapprocher du Rhin, tout prêts à le franchir pour s’établir dans quelques-uns des cantons faiblement peuplés qui étaient situés sur la rive gauche du fleuve. Il en résulta des invasions d’abord partielles, qui se produisirent surtout dans la Gaule belgique et auxquelles était peut-être dû le cachet particulier de la population. Les Trévires et les Nerviens, deux des nations les plus puissantes de cette contrée, s’enorgueillissaient de leur origine germanique. Les Némètes et les Vangions, qui se trouvaient encore sur la rive droite du Rhin au temps de César, étaient, un siècle plus tard, établis sur la rive opposée.

Ces invasions limitées qui s’opéraient comme par infiltration n’étaient pas les plus dangereuses pour les Gaulois ; il y en avait d’autres qui présentaient toute la soudaineté d’une inondation, et qui, accomplies par la force des armes, portaient avec elles la désolation et la ruine. On voyait apparaître toute une nation de combattans conduite par quelque chef hardi, traînant à sa suite dans des chariots les femmes et les enfans. Ces Germains étaient-ils vainqueurs, ils exigeaient des Gaulois la cession d’un canton, d’un territoire ; arrivaient-ils à s’y maintenir, ils se construisaient des demeures, et, abandonnant leurs habitudes errantes, se livraient à la culture du sol, à l’exploitation des forêts, au trafic. Un siècle avant Jésus-Christ, une irruption de deux puissans peuples germains, les Cimbres et les Teutons, avait ravagé la Gaule ; ils s’étaient avancés jusqu’au-delà des Alpes et menaçaient l’Italie, quand