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combattirent avec les Romains contre Attila dans les plaines catalauniques.

L’établissement des Francs en Gaule faisait arriver les Germains à leurs fins. La race à laquelle appartenaient les Cimbres, les Teutons et les Suèves avait, après bien des tentatives infructueuses, pris possession de la terre, objet de leur convoitise. La Gaule allait perdre son nom et devenir le pays des Francs, Francia. Réduits aux plus pénibles travaux des champs ou à l’exercice dans les villes d’une industrie manuelle, d’un chétif négoce, les descendans des Gallo-Romains furent dépouillés de leur nationalité. La religion fournit un asile à leur indépendance ; en entrant dans le clergé, qui, pour se recruter, ne tenait compte que des vertus et de la vocation, ils retrouvaient l’usage de leur langue, ils devenaient les égaux des guerriers francs qui les avaient asservis, et ils contrebalançaient par l’autorité du savoir celle de la force qu’exerçait le vainqueur. Les Francs, fondus peu à peu avec les Gaulois, opposèrent à l’invasion germanique la même puissance de résistance qu’avaient eue bien des siècles durant les Celtes unis aux indigènes de la Gaule. Le courant de la migration des hommes du nord dut s’arrêter ou prendre une direction différente. D’ailleurs les flots de populations qui s’étaient répandus à l’ouest et au sud en avaient déversé le trop-plein. Aussi une nouvelle migration de souche indo-européenne, les Vendes ou Slaves, put-elle se rapprocher du centre de l’Europe ; des nations de cette race avaient aux viiie et ixe siècles pénétré jusqu’au cœur de l’Allemagne, suivies à l’est par d’autres races restées plus en-deçà. Ces déplacemens auraient pu rejeter sur le territoire des Francs l’arrière-garde de la grande armée d’invasion germanique. Charlemagne comprit ce danger : non content de consolider par de sages et intelligentes institutions le gouvernement des princes de son sang, il porta ses armes victorieuses fort au-delà du Rhin ; il soumit toutes les grandes nations germaines, les Saxons, les Bavarois, les Lombards et des peuples d’autres races encore, tels que les Avares. Ainsi réunis sous une même suzeraineté, les Allemands devenaient une puissance à laquelle rien ne pouvait plus résister, car les Romains eux-mêmes, comme le remarquait Tacite, n’avaient pu les vaincre qu’en les divisant.

Mais ce gigantesque empire ne devait pas subsister longtemps. Une fois que l’émigration armée des Germains en Gaule se fut arrêtée, l’élément gaulois reprit le dessus. Il se produisit alors un phénomène qui a été souvent observé dans les pays où des conquérans subjuguent les indigènes. Si des invasions nouvelles ne viennent pas alimenter la race conquérante, elle s’absorbe promptement dans le fonds indigène, qui reparaît à la fin presque pur. C’est ce qui est arrivé dans l’Amérique du Sud, où, depuis que la migration espa-