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cette contrée. Une fois que la postérité directe de Lothaire II se fut éteinte, la lutte commença. Arnulf, le neveu de Charles le Gros et son héritier sur le trône impérial, retint la Lorraine, tandis que les Français, — qui ne voulaient plus faire cause commune avec les Allemands, auxquels ils avaient été de nouveau réunis sous Charles le Gros après en avoir été séparés quarante ans auparavant, — élisaient un chef particulier, Eudes, fils de Robert le Fort. Charles le Simple tenta vainement d’enlever au bâtard d’Arnulf cette province, dont son père lui avait laissé le gouvernement. Elle repassa cependant sous la suzeraineté de l’incapable fils de Louis le Bègue. Giselbert, au nom du roi des Francs, la défendit contre les entreprises des successeurs d’Arnulf ; mais les troubles qui suivirent la mort de Charles le Simple ouvrirent la porte à de nouvelles invasions germaniques. La France était divisée entre plusieurs maîtres ; Henri Ier, l’Oiseleur, en profita pour remettre la main sur la Lorraine. La population, attachée de cœur à la France, voyait avec déplaisir le retour des Allemands ; les seigneurs surtout se tournaient du côté du roi de France. Louis d’Outre-mer, fort du concours des habitans, reprit la Lorraine ; mais son fils Lothaire laissa une seconde fois échapper cette belle partie de son domaine, et, malgré les Lorrains, cédant aux suggestions d’Othon II, il aliéna l’ancien royaume du prince qui avait porté son nom, sous la condition, ajoutent certains historiens, de le tenir en fief de la couronne de France. En dépit de cette annexion à l’empire germanique qui devait durer près de sept siècles, la population garda son caractère français dans une bonne partie du royaume de Lothaire, royaume qui, d’abord démembré sur ses bords, finit par se scinder en divers états. Tandis que, réunie à la Souabe, l’Alsace, sauf dans sa partie méridionale, restée séquanaise, perdait les derniers vestiges du caractère originairement celtique de sa population, la Lorraine mosellane repoussait les empiétemens de la race germanique, et conservait presque partout l’usage de l’idiome roman.

La Basse-Lorraine se germanisait au contraire davantage ; mais les dialectes allemands n’y parvenaient pas à déposséder le wallon là où subsistaient des agglomérations de populations gallo-latines. Détachées de la Lorraine proprement dite, les contrées rhénanes et belges continuaient à présenter la bigarrure ethnologique due à la coexistence de populations de familles différentes. Les Flamands, les Allemands, les Français-Wallons, s’y trouvent réunis, et, dans le partage qui s’opéra insensiblement entre la suzeraineté de la France et celle de l’Allemagne, la plus grande part fut pour celle-ci. L’empire ne réussit pas plus à éliminer, des bords de l’Escaut à ceux du Rhin, l’élément gaulois que le roi de France à repousser de la Flandre l’élément bas-allemand. L’empire rencontra les mêmes ob-