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Il y a entre la dédicace et le contenu de cet ouvrage une contradiction tout à fait singulière. On ne comprend pas comment un écrit destiné à exalter la couronne de France et à proposer les moyens pour attribuer au roi de France la domination universelle a pu être dédié à Édouard Ier. Il n’y est pas question une seule fois des intérêts de la couronne d’Angleterre. L’auteur paraît connaître médiocrement les affaires de ce dernier pays ; il ne sait qu’une seule chose de sa constitution, c’est que le roi y est vassal du pape. Au chapitre 71, il appelle le roi de France seul « son souverain seigneur, » et il regarde comme une conséquence du plan qu’il préconise que le roi d’Angleterre soit amené à obéir au roi de France. Tandis que le roi de France est trop grand pour aller de sa personne à la croisade, Pierre Du Bois ne voit aucun inconvénient à ce que le roi d’Angleterre fasse partie de ces lointaines expéditions, où tout le monde aura quelque chose à gagner, excepté justement le roi d’Angleterre. Les abus qu’il blâme sont des abus de France et non d’Angleterre ; les malheurs publics sur lesquels il insiste sont ceux de la France ; il se croit obligé de les faire connaître, parce qu’il est avocat du roi de France. Par momens, on est tenté de croire que l’ouvrage fut composé pour Philippe le Bel, et que Du Bois fit hommage au roi d’Angleterre d’un exemplaire, en tête duquel il mit une dédicace sans s’inquiéter de ce que l’ouvrage et une telle dédicace offraient de disparate. Une particularité du chapitre 71 confirme cette hypothèse. Les premières lignes de ce chapitre supposent que l’auteur dans ce qui précède a cru devoir adjuger le royaume de Jérusalem à Charles II d’Anjou ; or dans le texte que nous possédons il n’est pas question de cela. Peut-être l’exemplaire destiné au roi de France avait-il un développement sur ce sujet, développement que l’auteur aura retranché dans l’exemplaire adressé à Édouard Ier, tout en laissant subsister au chapitre 71 une phrase qui s’y rapportait. — Il est bien remarquable aussi que, dès 1306, Du Bois propose au roi d’Angleterre la suppression des templiers. Voilà un conseil qui semble bien en réalité avoir été à l’adresse du roi de France, puisqu’en octobre 1307 Philippe le Bel fit arrêter tous les templiers du royaume. Quoi qu’il soit de ces conjectures, en 1307, nous trouvons de nouveau Du Bois en Normandie. À la date du 13 février 1307, il figure dans les tablettes de cire contenant les comptes de la cour, qui à ce moment paraît voyager en Normandie et passer à Verneuil. Il est vrai que le rôle assez humble qu’il joue en ce passage, où il nous est présenté comme chargé de préparer les logemens de la cour avec un autre personnage qui est simplement qualifié de hostiarius « huissier, » peut faire supposer qu’il s’agit là d’un homonyme de notre avocat. Nous avons un texte plus certain dans des lettres du mois de mai de cette même année, où Philippe le Bel, à